D’importante coupes budgétaires au Congo B. Mais où est passe cet argent ?

En République du Congo, la coalition PCQVP milite pour une meilleure gestion des ressources naturelles en s’intéressant à l’efficacité des dépenses publiques. Pour cela, elle mène des actions ciblées afin interpeller les pouvoirs publics, mais aussi pour impliquer les citoyens dans le processus budgétaire.

Solennel, le Président de l’Assemblée Nationale se lève. Le micro crépite quelques instants pour annoncer l’ouverture du débat sur la Loi des Finances rectificative 2015. Dépendant à 75% des revenus issus du secteur extractif, le budget de l’Etat congolais souffre de l’importante chute du prix des hydrocarbures, passé de 125 USD en moyenne en 2014 à 60 USD le baril en 2015. Réunis en session extraordinaire entre le 13 et le 26 juin, les parlementaires ont eu la difficile tâche d’examiner et d’entériner la proposition faite par le gouvernement de couper de plusieurs centaines de milliards de FCFA le budget 2015 initialement projeté à 3.069.750.000.000 FCFA et qui passerait ainsi à 2.715.066.000.000 FCFA. Officiellement justifiée par l’important déficit des recettes pétrolières, cette baisse substantielle soulève néanmoins plusieurs interrogations que la coalition PCQVP Congo a pris le soin d’élaborer dans une note de position publiée le 19 juin dernier à l’intention des parlementaires et des pouvoirs publics en général.

PCQVP Congo B. a par exemple calculé que depuis 2008, l’Etat congolais aurait dû dégager 4027 milliards de FCFA d’excédent budgétaire. Ce montant aurait dû être placé sur un compte de stabilisation, créé justement en 2006 en vue d’affronter les périodes de vaches maigres. Ces fonds épargnés pourraient à présent être mobilisés par les autorités pour compenser la chute des revenus extractifs. Pourtant, aucune mention n’est faite de la disponibilité ou encore de l’utilisation de ces fonds. C’est pourquoi PCQVP Congo B.interpelle les autorités pour demander une plus grande transparence dans la gestion de ce compte de stabilisation au sujet duquel aucune information publique n’est disponible.

Problématique dans le cas des montants versés sur le compte de stabilisation, l’absence d’informations fiables l’est également en d’autres lieux. PCQVP Congo B. appelle ainsi à la publication des accords commerciaux contractés par l’Etat congolais et divers partenaires privés comme publics. Quelles sont les conditions accordées à l’Etat congolais dans le cadre d’accord de prêt avec la Chine par exemple ? L’engagement de fonds publics justifie le besoin de transparence dans ce domaine. PCQVP Congo B. constate ainsi que, malgré les avancées obtenues avec la mise en œuvre de l’ITIE, qui a contribué à une plus grande clarté dans la génération de recettes pour l’Etat congolais, des efforts supplémentaires restent à accomplir. Cela est d’autant plus vrai en ce qui concerne les dépenses publiques et notamment l’état des investissements publics. En s’intéressant à la qualité des investissements publics dans le domaine de la santé, deuxième poste budgétaire de la République du Congo, la coalition a dû affronter une culture du secret et de la méfiance pour entreprendre son travail d’évaluation et recueillir les différents documents nécessaires à cette action. Publié en décembre 2014, le rapport de PCQVP Congo B. montre que le manque de transparence s’avère propice à la manipulation, notamment sur l’origine des fonds employés pour financer certains projets, et à la gabegie. La planification inadéquate des projets sanitaires examinés par le rapport trouve son origine dans une consultation insuffisante des populations bénéficiaires et une communication déficiente à l’intérieur même de l’administration congolaise. Le résultat ? Plus de la moitié des projets inscrits aux budgets des années 2011, 2012 et 2013 n’ont jamais démarrés et seuls 9% des projets ont été achevés et sont effectivement fonctionnels. Un piètre bilan pour un pays qui vise l’émergence à l’horizon 2025.

L’autre conséquence préjudiciable qui découle de l’opacité cultivée par les autorités autour de la gestion des finances publiques est un désengagement progressif des citoyens, enjoints à considérer que les affaires de l’Etat ne les concernent pas. C’est pour réveiller les consciences et rappeler aux populations congolaises qu’elles ont non seulement un droit, mais surtout un devoir de regard, que la coalition s’efforce de mettre en place des groupes locaux, chargés du suivi budgétaire dans le secteur de la santé, sur l’ensemble du territoire congolais. Cela était le cas à Nkayi où PCQVP Congo B. a organisé un atelier les 22 et 23 juin dans le but de sensibiliser les populations locales à l’importance de suivre l’exécution physique des projets d’investissement. Bien que le Ministère du Plan au Congo soit normalement chargé de vérifier l’exécution du budget et que la Cour des comptes exerce une fonction de contrôle des dépenses de l’Etat congolais, il est essentiel d’assurer un contrôle citoyen pour responsabiliser les pouvoirs publics dans leur gestion des deniers publics. Composés de volontaires, les groupes locaux se rendent sur le terrain pour inspecter l’avancement de travaux et faire remonter l’information aux membres de la coalition, qui se chargent ensuite de compiler toutes les données dans un rapport national. L’implication des populations, qui sont les premières affectées par les projets d’investissement public, garantit non seulement la justesse des informations collectées, mais elle contribue également à créer une pression citoyenne venant de la base. « Il faut être comme des microbes et contaminer tout le monde » s’enthousiasmait ainsi l’un des participants de l’atelier de Nkayi.

Cette approche a déjà porté ses fruits en 2014 lorsque la coalition a entrepris ce travail de suivi budgétaire pour la première fois. L’intérêt affiché par les groupes locaux à travers un ensemble de questions posées pour comprendre les problèmes liées à la non-exécution de certains projets sanitaires a ainsi animé certains prestataires à reprendre les travaux, voire à les terminer. Le travail des groupes locaux est donc fondamental pour lutter contre le sentiment d’indifférence et d’impunité dont peuvent bénéficier certains acteurs peu scrupuleux et prouve que les citoyens congolais sont loin d’être impuissants.

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