Soupçons de corruption à Kinross-Tasiast : qu’attendent nos dirigeants pour sévir ?
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Récemment, au cours du mois juillet 2015, la Compagnie minière Kinross a reçu une nouvelle injonction de la part de la Commission des Sécurités et des Échanges des États Unis (Securities and Exchange Commission) lui demandant de s’expliquer sur les allégations portant sur des paiement indus faits à des officiels du gouvernement, ainsi que certaines déficiences de contrôle interne dans leurs opérations en Mauritanie et au Ghana. Cela intervient après deux autres demandes déposées auparavant aussi bien par la Commission de Sécurité et d’Échanges que par le Département de la Justice des États Unis d’Amérique.
Depuis août 2013, ces information ont été relayées par différentes sources aussi bien à l’extérieur de la firme qu’en son sein par l’intermédiaire de lanceurs d’alertes personnes qui sont sensées alerter la compagnie sur des soupçons de fraudes.
Pour rassurer les actionnaires, les responsables de Tasiast Kinross avaient alors engagé des consultants Canadiens et Américains afin de conduire une enquête interne.
Selon Raphael Sourt, Responsable de la communication pour l’Afrique de l’Ouest, les allégations de ce genre sont fréquentes. Il précise d’ailleurs qu’il n’est pas inhabituel, lors de l’attribution de contrat,l qu’une entreprise n’ayant pas bénéficié de contrat se plaigne de la situation à travers les médias locaux. Selon lui, ces accusations sont complètement infondées, ce qui est prouve par le fait que ces informations sont publiées par des sites insignifiants…»
M. Mike Sylvestre, Vice Président de Kinross pour les opérations en Afrique de l’Ouest, abonde dans le même sens, en précisant que le gouvernement n’intervient pas dans le processus d’attribution de contrats de la compagnie. Il précise d’ailleurs que le gouvernement Mauritanien n’a jamais fait l’objet de malversations concernant Kinross au niveau de ses opérations locales.
En 2013, Tasiast Kinross Mauritanie a renoncé à son projet d’expansion qui devait créer plus de 3500 emplois additionnel. En plus du renoncement à cet engagement, en l’espace de deux ans, plus de 600 employés de la compagnie se sont retrouvés au chômage. Afin de justifier ces mesures, la compagnie a toujours brandi le motif des coûts d’opérations. Certes la baisse du prix de l’once ne doit pas être négligée, mais cela à elle seule ne peut difficilement justifier ces réductions de personnel,, surtout quand on sait les bénéfices énormes qu’elle a eu engranges entre 2009 et 2013. Durant cette période le prix de l’once est passé d’environ 1000 dollars à prés de 1800 dollars.
L’implication de services américains de lutte contre la corruption dans cette affaire et les dernières révélations parues dans la presse nationale et internationale faisant états de faveur accordées à certaines personnes proches du régime montrent que la majorité des coûts invoqués par la compagnie ne sont pas nécessairement destinés aux opérations directes.
Le renoncement à son programme d’expansion, ajouté au licenciement de plus 350 employés en 2013, n’a pas empêché la compagnie d’enregistrer un déficit de 65 millions de dollar en 2014 et d’annoncer un nouveau licenciement de près de 250 employés en octobre 2015.
L’exploitation d’une mine comme Tasiast, qui s’effectue à ciel ouvert, à mi-chemin entre deux ports d’exportation et à proximité de ses principaux clients, ne peut en aucun cas justifier les coûts qu’on nous impose même si le prix de l’once a baissé. D’ailleurs, au moment où la compagnie s’était engagée à reprendre la mine de Tasiast à Red back Mining, le prix de l’once se situait autour de 1100 dollar. Aujourd’hui le prix de l’once tourne encore autour de 1200 dollar l’or. Si l’on se réfère à la courbe du prix de l’or les 50 dernières années, on se rend compte qu’il n y a pas du tout feu en la demeure pour l’or qui constitue la valeur refuge. Il s’agit d’un problème de gestion, surtout si l’on tient compte de la période de grande faste qu’a connue la compagnie.
Si la plupart des articles évoquent les malversations au niveau national, ils oublient que la majorité des achats des compagnies minières sont effectués à travers des filiales sœurs qui effectuent de grosses opérations d’achat à des prix qu’elles se fixent librement entre elles. Il arrive qu’on nous facture des services qui sont utilisés ailleurs. Très souvent sur facturé, alors que le produit, ou la machine, a été soit recyclé soit tout simplement utilisé ailleurs, dans un autre pays, pendant que les coûts, eux sont facturés en Mauritanie et déduits des revenus de la Mauritanie.
Plusieurs organisations de transparences sont aujourd’hui entrain de pousser les états à s’intéresser davantage à ce phénomène dit du « prix des transferts » qui constitue l’une des niches les plus juteuses pour la corruption et les flux illicites au détriment des intérêts des pays riches en ressources.
Publiez Ce Que Vous Payez a toujours œuvré pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur la question des coûts ainsi que des flux illicites qui profitent des failles de notre système fiscal. Nous saisissons encore une fois cette occasion pour inciter nos pouvoirs publics à beaucoup plus de vigilance afin de tirer meilleur profit de nos ressources extractives à travers une gestion transparente et responsable qui tient compte des intérêts des communautés, des travailleurs, du secteur privé mais aussi et surtout des générations futures. Les ressources appartiennent à la Mauritanie et à son peuple. Il est donc du devoir de nos dirigeants d’assumer toute la responsabilité qui leur a été confiée et de rendre compte au peuple à travers une enquête indépendante.