La révolution tunisienne de 2011 a renversé le gouvernement, a inventé le terme « printemps arabe » et a diffusé un sentiment révolutionnaire à travers les frontières. Une autre conséquence, peut-être moins spectaculaire, de la révolution tunisienne a été l’augmentation et le renforcement des organisations de la société civile dans le pays. Avant janvier 2011, les organisations de la société civile étaient composées d’organismes qui étaient instrumentalisés par le pouvoir en place, et n’étaient donc pas vraiment en phase avec la réalité des problèmes de société. Après la révolution, les associations ont porté leur intérêt sur des domaines différents, en particulier ceux des droits de l’Homme et de la bonne gouvernance dans tous les secteurs qui avaient été négligés sous l’ancien régime.
Les OSC, y compris des associations, des syndicats de travailleurs et d’employeurs, des organisations de bienfaisance et d’autres initiatives communautaires impliquant les citoyens ont participé au débat national qui a suivi la révolution de 2011. Une question importante dans ce débat national fut celle des ressources naturelles, et plusieurs OSC ont commencé à faire pression pour une plus grande transparence dans les industries extractives. Un groupe d’organisations, dirigé par l’ATTEM (Association Tunisienne de Transparence dans l’Énergie et les Mines) a réussi à établir un contact avec le premier ministre Jebali en 2012 et l’a incité à annoncer en juin de cette année-là que le gouvernement tunisien aurait l’intention de mettre en œuvre l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE). De nouveaux progrès sur la gestion des ressources naturelles ont été accomplis avec l’adoption par la Tunisie de la nouvelle constitution qui comprenait plusieurs dispositions sur la transparence dans le secteur de l’extraction.
En effet, une mobilisation énergique de la société civile a conduit au succès du lobbying auprès du directeur du comité de l’énergie à l’ANC, M. Chafik Zerguine. Au cours d’un atelier organisé par l’ATTEM en janvier 2014, deux semaines avant l’approbation de la nouvelle constitution tunisienne, les organisations de la société civile représentée par environ 25 participants se sont réunies avec M. Zerguine et évoqué l’importance d’inclure des articles qui soutiennent fortement la bonne gouvernance des ressources naturelles. Le 26 janvier, la nouvelle constitution a été adoptée, permettant l’adoption de plusieurs articles constitutionnels qui veillent à ce que l’État » s’efforce de bien gérer les ressources naturelles. » (Article 12), souligne que « les ressources naturelles appartiennent au peuple tunisien. » (Article 13), dispose que les contrats portant sur les ressources naturelles doivent être ratifiés par l’Assemblée nationale constituante. L’article 136 offre également de la possibilité d’affecter un pourcentage des ressources naturelles pour promouvoir le développement régional et la gestion régionale des ressources.
Sous sa forme actuelle, la constitution introduit un certain nombre de dispositions en faveur de la transparence et de la responsabilisation qui étaient absentes dans le précédent document. Celles-ci comprennent les engagements de l’État en faveur de la lutte contre la corruption (article 10), le développement durable et l’équité régionale (articles 12 et 129), l’impartialité et la responsabilisation dans l’administration publique (article 15) et également le droit à l’information des citoyens (article 32).
Pourtant, alors que ce progrès est encourageant, moins de progrès ont été accomplis concernant l’ITIE. Comme un moyen de maintenir la pression sur le gouvernement tunisien, des groupes de la société civile ont exprimé le désir de créer un réseau ou une coalition grâce auquel ils pourraient unifier leurs efforts et devenir un véritable organe jouant un rôle clé dans la gouvernance de leurs ressources naturelles. Ils ont ainsi formé, au cours de l’atelier de janvier 2014 organisé par l’ATTEM, un réseau naissant qui comprenait 15 groupes différents de la société civile tunisienne à la mi-2014. Ce réseau naissant avait déclaré qu’il avait besoin d’assistance pour fonctionner correctement et agir en fonction d’un plan d’action d’une coalition basé le plaidoyer. Ils ont donc contacté PCQVP et NRGI pour obtenir de l’aide afin de faire de ce réseau en herbe une coalition à part entière avec une structure de gouvernance alignée sur un plan d’action basé sur le plaidoyer et et inspiré de Publiez Ce Que Vous Payez qui reflète les priorités stratégiques de la coalition.
Les 5 et 6 décembre 2014, le Secrétariat International de PCQVP a organisé son premier atelier qui comprenait 19 représentants de groupes de la société civile tunisienne. Des groupes des zones extractives de Kairawan, Gabes, Gafsa et Tataween ont participé, avec ceux de la capitale, à la fixation des priorités stratégiques de la coalition naissante, ainsi qu’à un débat portant sur la structure globale de gouvernance à adopter. Les priorités stratégiques incluaient l’adoption de l’ITIE par le gouvernement, la sensibilisation de la société civile à l’importance de l’ITIE, la modification des lois afin de les harmoniser avec les dispositions constitutionnelles relatives à la bonne gouvernance du secteur des IE en Tunisie, ainsi que le soutien au processus d’OGP en Tunisie.
Alors que le printemps arabe dans d’autres parties de la région s’est transformé en des hivers de mécontentement, le monde se tourne vers la Tunisie pour obtenir de bonnes nouvelles. Espérons-le, la Tunisie peut s’avérer un modèle de réussite post-révolution, avec le gouvernement et les citoyens travaillant ensemble en faveur d’une meilleure gestion de leurs ressources naturelles.