Les membres de PCQVP en Afrique orientale et australe appellent les pays riches en ressources à apporter un soutien direct aux communautés extractives et à adopter des régimes fiscaux progressifs en réponse à la pandémie
Alors que les taux d’infection à la COVID-19 augmentent dans toute l’Afrique, le continent prend des mesures décisives pour minimiser l’impact de la pandémie sur sa population. De nombreux pays africains ont déjà procédé à des confinements complets ou partiels, affectant les écoles, les services publics et les entreprises. Des millions de personnes sont laissées pour compte, en l’absence de moyens de subsistance, notamment dans le secteur minier, pétrolier et gazier.
L’impact est fortement ressenti dans certains pays riches en ressources d’Afrique orientale et australe, qui dépendent grandement des revenus de l’industrie extractive. Ces derniers sont doublement frappés, puisque les effets du confinement rendent la vie quotidienne de plus en plus difficile pour leur population, et les effets de la pandémie sur les cours mondiaux des matières premières sapent leurs économies nationales.
Lutter sans revenus
En réponse à la pandémie, les membres de Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) collaborent de manière inédite pour faire face aux effets de la crise et continuer à œuvrer en vue d’un secteur extractif qui profite à tous. En mai, les membres de PCQVP de toute l’Afrique orientale et australe se sont réunis à l’occasion d’un webinaire afin d’examiner l’impact de la COVID-19 sur le secteur extractif de la région, ainsi que de discuter des options politiques pour en atténuer les effets.
Les participants ont décrit l’abandon de nombreux travailleurs, laissés sans soutien ou sans revenus, en raison de la réduction ou de la suspension des activités extractives qu’implique le confinement. Les droits du travail et la sécurité de l’emploi sont menacés dans de nombreux pays africains, et les services publics sont mis à rude épreuve. En raison de la baisse prévue des financements provenant des revenus de l’industrie extractive, la situation est vouée à empirer. Les femmes sont particulièrement touchées par la pandémie, dans leur rôle de gardienne des enfants et des personnes âgées, d’utilisatrices clés des services de santé et de main-d’œuvre importante dans l’exploitation minière artisanale et à échelle réduite.
Selon les membres de PCQVP, la crise a perturbé les négociations avec les parties prenantes et interrompu les progrès réalisés en matière de transparence, de redevabilité, de participation et d’équité au sein du secteur.
Saper les économies africaines
La COVID-19 a également un impact considérable sur les économies africaines dépendantes des ressources naturelles. Malgré l’augmentation des cours des métaux précieux tels que l’or en réponse à l’incertitude économique, la demande en pétrole et métaux de base s’est effondrée, car l’industrie mondiale ralentit et les marchés d’exportation tels que la Chine sont fermés. La production a également été troublée par l’adaptation du secteur extractif à la nouvelle réglementation sanitaire relative à la COVID-19.
Les gouvernements de toute la région peuvent s’attendre à de futures réductions des revenus si les opérations minières, pétrolières et gazières demeurent suspendues ou sont réduites voire arrêtées de façon permanente. En Zambie, par exemple, où les industries extractives contribuent à plus de 10 % du PIB, 80 % des exportations et 29 % des recettes publiques, le ministre des Finances estime à 20 % le manque à gagner pour le budget 2020 du pays. La fermeture d’une seule entreprise causerait la perte de 10 000 emplois au sein du secteur extractif.
Les menaces qui pèsent sur les industries extractives sont susceptibles d’entraîner des pressions sur les gouvernements africains pour qu’ils accordent des allègements fiscaux en vue de stimuler le secteur. Le Zimbabwe a déjà accordé des exonérations de redevances dans son secteur minier, et la Zambie a suspendu certains droits d’exportation et d’importation liés à ce secteur. Mais les coalitions de PCQVP ont convenu que les gouvernements doivent résister aux pressions en faveur d’exemptions fiscales pour les projets extractifs.
Compte tenu de la nécessité permanente de collecter des revenus pour fournir des services publics essentiels, les gouvernements doivent uniquement envisager un soutien fiscal aux industries extractives dans des circonstances exceptionnelles, lorsque la modélisation financière indique que la baisse des cours des matières premières provoque la non-viabilité d’une industrie, en l’absence d’assistance temporaire. Dans de tels cas, des mesures discrétionnaires telles que le report des paiements de redevances doivent être appliquées à l’ensemble du secteur, en toute transparence, sur la base de critères d’éligibilité prédéfinis et avec une date de fin précise.
Saisir les opportunités pour bâtir de meilleurs systèmes fiscaux
L’impact de la COVID-19 sur les revenus fiscaux constitue une opportunité pour les pays de réfléchir aux systèmes fiscaux optimaux pour leurs secteurs extractifs. Les régimes fiscaux pour l’exploitation minière, pétrolière et gazière comprennent généralement des outils fondés sur la production (tels que les redevances) et des outils fondés sur les bénéfices (tels que l’impôt sur les sociétés). Les impôts basés sur les bénéfices impliquent souvent des taux progressifs, ce qui confère au gouvernement une part plus importante dans les projets les plus rentables, tandis que les impôts basés sur la production peuvent être progressifs en appliquant des taux différents pour différentes fourchettes de prix des matières premières.
Le webinaire a confirmé le soutien des coalitions de PCQVP à la taxation progressive dans le secteur extractif et à l’élimination des échappatoires qui permettent aux entreprises d’éviter les impôts, comme le souligne la stratégie Vision minière pour l’Afrique de l’Union africaine. Les systèmes progressifs ont une flexibilité et une prévisibilité intrinsèques, ce qui contribue à renforcer la résilience du secteur extractif d’un pays. Lorsque la baisse du cours des matières premières frappe l’industrie, les taux d’imposition baissent en conséquence, afin de favoriser l’adaptation des entreprises. Les recettes de l’État augmenteront automatiquement dès que les bénéfices commenceront à augmenter, ce qui signifie que le secteur extractif cèdera une part équitable des recettes publiques qui peut être dépensée pour des services bénéficiant à tous.
Accroître le soutien aux communautés
Quelle que soit la réponse d’un pays à la COVID-19 en ce qui concerne le secteur extractif, les participants au webinaire ont convenu que la transparence et la redevabilité sont plus importantes que jamais. Ils ont réaffirmé le soutien de PCQVP en faveur de l’adhésion des pays à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives en vue du respect de ses normes, afin que les personnes puissent connaître la provenance exacte des revenus et exiger des comptes sur la dépense de l’argent public.
Les participants ont également discuté de la manière dont les entreprises peuvent apporter un meilleur soutien pendant la crise aux communautés au sein desquelles elles opèrent. Rien qu’en Tanzanie, 600 000 communautés sont impliquées dans l’extraction. Les lois relatives à la responsabilité sociale des entreprises pourraient être renforcées dans toute la région, et davantage de recettes du gouvernement et des entreprises pourraient être utilisées pour soutenir directement les communautés.
La crise met également en évidence la nécessité de renforcer le droit du travail afin de mieux protéger les employés des secteurs minier et pétrolier. Dans le sillage de la pandémie, les besoins des femmes doivent être particulièrement pris en compte dans la conception des plans d’assistance sociale et de relance économique, afin de parvenir à une plus grande égalité, à de meilleures opportunités et à une meilleure protection sociale.
Pour contribuer à la réalisation de ces objectifs, les membres de PCQVP de toute la région d’Afrique orientale et australe exhorteront les gouvernements à mettre en place des systèmes sûrs pour les négociations en cours entre les parties prenantes du secteur extractif. Nous pourrons alors faire pression sur les gouvernements pour que les communautés extractives dont les moyens de subsistance sont touchés par la pandémie reçoivent le soutien immédiat dont elles ont besoin. Nous pourrons également promouvoir l’imposition progressive et l’élimination des échappatoires fiscales, afin que chacun puisse à l’avenir bénéficier équitablement des revenus de l’extraction.