Reléguer l’Afrique au rang de simple mine verte nous coûte cher

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Cet article a été publié en anglais sur Climate Home News le 5 septembre 2024.

Aujourd’hui, de nombreux acteurs se précipitent sur les minerais nécessaires à un avenir à faibles émissions de carbone, ce qui coûte à l’Afrique 24 milliards de dollars par an et met en péril la transition énergétique mondiale. Depuis longtemps, l’Afrique fournit des matières premières au monde entier, de l’or aux diamants en passant par le pétrole et le gaz. Avec plus de 40 % des réserves mondiales de minerais de transition, nous risquons aujourd’hui de continuer à jouer ce rôle pour l’économie verte. 

La République démocratique du Congo (RDC) détient à elle seule 60 % des réserves de cobalt, un composant critique des batteries lithium-ion. Cependant, si cette tendance se poursuit, l’Afrique finira encore une fois par exporter ses matières premières pendant que d’autres, en particulier la Chine, l’Europe et les États-Unis, récolteront les profits et les bénéfices des technologies qu’elles ont permis de mettre au point. Aujourd’hui, l’Afrique doit porter le poids de la crise climatique pendant que d’autres tirent profit de nos ressources.

La modélisation économique publiée cette semaine par Publiez Ce Que Vous Payez montre une importante occasion manquée par le continent. L’Afrique pourrait augmenter son PIB d’au moins 24 milliards de dollars par an et créer 2,3 millions d’emplois en élaborant des politiques solides relatives à la fabrication et au commerce pour les chaînes d’approvisionnement des minerais de transition. Les plus grandes opportunités d’emploi sont liées au domaine de la fabrication de produits comme les panneaux solaires et les batteries, ce qui serait uniquement possible grâce à un transfert de technologie et à la formation d’une nouvelle main-d’œuvre verte sur le continent.

Et ce n’est pas tout. En plus de transformer les minerais en produits qui peuvent être exportés à de meilleurs prix, dopant ainsi les économies et, espérons, le développement, les pays africains pourraient les utiliser pour bâtir leurs propres systèmes énergétiques plus propres et abordables. Sur le continent, 600 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité.

L’Afrique est mise à l’écart 

Cependant, les pays les plus riches du monde sont bien décidés à garder le contrôle des chaînes d’approvisionnement de minerais critiques et ainsi favoriser leurs propres intérêts économiques. L’UE a pour objectif de transformer 40 % des minerais critiques qu’elle consomme à l’intérieur de ses frontières d’ici 2030. De son côté, le Royaume-Uni a adopté une approche similaire. 

Par le biais de leur loi sur la réduction de l’inflation, les États-Unis offrent des incitations fiscales aux fabricants de voitures électriques qui s’approvisionnent, transforment et recyclent des minerais aux États-Unis ou chez leurs partenaires de libre-échange. Les États-Unis comptent actuellement 20 accords commerciaux, dont un seulement avec un pays africain : le Maroc. 

Ces mesures visant à « sécuriser » l’approvisionnement des minerais empêchent la mise en place de politiques raisonnables qui permettraient à l’Afrique de s’approprier une plus grande part de la valeur économique générée sur les chaînes de valeur mondiales des minerais de transition.

Poursuivre un programme commun en faveur du climat et du développement

En réaction, certain·e·s dirigeant·e·s prennent des mesures pour assurer à leur pays une part des bénéfices. La semaine dernière, le ministre des Mines zambien a annoncé la création d’une entreprise publique d’investissement qui détiendra au moins 30 % de tous les futurs projets de production de minerais critiques. 

Cependant, des efforts nationaux isolés, comme ceux de la Zambie, ne sont pas suffisants. Ce défi dépasse les économies individuelles. L’enjeu est important : la capacité de l’Afrique à façonner son avenir et à occuper une place centrale dans la transition énergétique mondiale, pas en tant que simple fournisseuse de matières premières, mais bien en tant que centre d’innovation, de fabrication et de développement durable. Pour y arriver, les pays africains doivent travailler ensemble et exploiter leur pouvoir collectif.

Nous avons besoin d’une stratégie industrielle coordonnée sur tout le continent, une stratégie qui permettrait aux pays africains de travailler ensemble pour renforcer leurs capacités de transformation des minerais et de fabrication. Certaines des solutions sont à notre portée. Si la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) est finalisée et mise en place comme il se doit, elle pourrait tout changer et permettre aux pays africains de commercer les uns avec les autres plus facilement et de développer des industries régionales capables de peser sur la scène internationale.

L’Union africaine met actuellement au point une stratégie sur les minerais verts qui pourrait ouvrir la voie à une meilleure intégration économique régionale. Le Centre africain de développement minier, créé en 2016 par l’Union africaine, pourrait doper ces progrès s’il reçoit au moins 15 ratifications des États membres afin qu’il devienne une institution à part entière. Aujourd’hui, il en compte seulement quatre. 

Surtout, nos dirigeant·e·s doivent s’engager à ce que la richesse minière de l’Afrique bénéficie à ses habitant·e·s. Le secteur minier est l’un de ceux qui nuisent le plus aux populations et à la planète et est celui qui réprime le plus brutalement les critiques. Nous avons besoin d’une gouvernance transparente pour le secteur minier, de lois solides pour protéger les communautés et l’environnement et d’un engagement à bâtir des industries locales qui créent des emplois et favorisent le développement durable. 

La semaine prochaine, l’ONU pourrait être le théâtre de discussions sur l’équité, le commerce et le développement dans la course aux minerais si le Groupe d’experts sur les minéraux essentiels à la transition énergétique est à la hauteur de sa mission : « la course à la carboneutralité ne peut pas se faire aux dépens des pauvres ». Mais le changement n’est pas assez rapide.

L’Afrique ne doit pas être reléguée au rang de simple mine verte. Nous disposons des ressources, du talent et de la nécessité de développer des industries qui favorisent notre développement durable. Nous pourrons ensuite accélérer la transition énergétique mondiale. Il est temps pour l’Afrique de prendre la place qui lui revient, pas celle de simple fournisseur de matières premières, mais bien une place à la tête d’une économie nouvelle et durable.

 

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