La norme ITIE est un outil formidablement efficace. Elle pourrait être encore plus efficace – et inclusive – si elle se faisait l’écho de l’expérience des femmes. De nombreux éléments plaident en faveur d’une série de changements majeurs et nécessaires, et l’ITIE ne peut plus se permettre de les ignorer.
Les membres du mouvement PCQVP défendent les intérêts des populations que l’on exclut des décisions fondamentales prises par les industries pétrolières, gazières et minières. Parfois, ces industries menacent directement leur mode de vie – pensons par exemple aux effets désastreux d’une mine à ciel ouvert pour l’environnement. Dans d’autres cas, elles opèrent au mépris de la transparence ou de leurs obligations fiscales envers les économies qui les accueillent. Là où des populations souffrent d’un manque d’écoles, de médecins et de routes, les industries extractives accumulent les milliards de dollars.
Trop souvent, ce sont les femmes qui souffrent le plus de cet état de fait, comme le montrent plusieurs rapports majeurs.
L’ITIE a été créée pour établir une norme internationale de transparence permettant à la société civile – et aux coalitions comme la nôtre – de pousser ces industries à rendre des comptes aux populations. Mais les femmes ont très peu d’occasions de faire entendre leur voix au sein de l’ITIE, alors même que ce sont elles qui subissent le plus l’impact négatif de l’extraction de ressources.
Sur notre site web, nous racontions récemment l’histoire de Mwabulambo, un village du Malawi qui a immensément souffert de l’extraction du charbon.
À Mwabulambo, comme dans de nombreux endroits du monde, ce sont les femmes qui assument l’essentiel des tâches ménagères. Quand le temps nécessaire pour aller chercher du bois de chauffage double du jour au lendemain, c’est avant tout un problème de femmes. Mais les femmes de Mwabulambo n’ont pas leur mot à dire sur la gestion de terres, et les populations locales n’ont pas été consultées en amont du projet. En d’autres termes, l’arrivée abrupte de l’extraction industrielle du charbon a aggravé la situation déjà précaire des femmes en raison du patriarcat.
Chacun des 57 pays qui appliquent l’ITIE est exposé au même type de problèmes. Dès lors, la nature du défi qui nous attend et la perspective d’une solution mondiale se dessinent plus clairement.
En 2018, PCQVP a lancé un projet pilote en Afrique de l’Ouest qui s’intéresse à la question de la parité dans le cadre de l’ITIE. Quasiment aucun des rapports ITIE étudiés ne contenait de référence au genre ; si certaines données étaient ventilées en fonction du genre, aucune analyse approfondie ne cherchait à en tirer des enseignements.
En Guinée, un pays qui a rejoint l’ITIE en 2005 et qui a publié 12 rapports depuis, le genre est mentionné pour la première fois en 2016. Le guide de validation encourageait la société civile et les entreprises à réfléchir aux moyens d’obtenir plus de diversité dans leur représentation, notamment en termes de parité hommes-femmes. Si la direction prise est encourageante, les références au genre demeurent très vagues, ce qui montre bien à quel point la dimension du genre n’a jamais été une priorité jusqu’ici.
Alors que peut faire l’ITIE ?
Bien sûr, elle ne peut résoudre tous les problèmes d’inégalités hommes-femmes. Mais en tant qu’outil majeur pour la transparence dans les industries extractives, elle doit faire davantage pour inclure les femmes.
La première priorité est de faire en sorte que les rapports et les données produites reflètent la réalité du secteur extractif sur le terrain, en particulier en ce qui concerne la parité dans l’emploi et la prise en compte des questions de genre dans les budgets. Une autre priorité immédiate est liée à la constitution des “groupes multipartites” (GMP) nationaux tels que prescrits par l’ITIE, avec les questions suivantes en tête : qui participe, qui décide du type d’informations à divulguer, et comment et avec qui ces données seront-elles partagées ?
Le GMP est le principal forum où se rassemblent les autorités publiques d’un pays, les entreprises et la société civile pour faire avancer leurs engagements en faveur de la transparence. À l’heure actuelle, la majorité des GMP nationaux comptent moins de 25 % de femmes dans leurs rangs. Plusieurs d’entre eux n’en comptent aucune. Une première étape essentielle serait que chacun de ces groupes multipartites réfléchisse aux moyens de parvenir à davantage de parité dans leur représentation.
À l’heure où les entreprises réfléchissent de plus en plus aux questions de parité, la principale initiative mondiale en faveur de la transparence se doit de rattraper son retard et de mener le combat sur la question du genre. Rio Tinto, par exemple, a publié un guide sur la parité qui retrace son travail avec les populations locales. Les entreprises cotées au Royaume-Uni – dont BP, Shell et Tullow Oil – ont toutes publiées des analyses des disparités salariales sur les deux dernières années.
Il est par ailleurs essentiel de mettre à la disposition de toutes les parties prenantes, et des femmes en particulier, les informations essentielles à leur participation, en améliorant les plans de diffusion des données pays par pays.
Ces premières mesures ne sont pas difficiles à appliquer.
L’avantage de la transparence est ce que nous apprennent les informations divulguées. Ce sont des enseignements qui améliorent la prise de décision. Mais ils doivent aussi nous aider à renforcer la transparence que nous appelons de nos vœux, et à mieux réfléchir à qui participe à la prise de décision. En continuant d’ignorer les femmes malgré la clameur grandissante de la société civile partout dans le monde, l’ITIE désavouerait ses principes fondateurs.