La Francophonie a révélé dans une étude intitulée « La place des femmes dans le secteur extractif Francophone » qu’un tiers des réserves minérales mondiales se trouverait en Afrique, dont plus de la moitié des minerais rares. À titre d’exemple, la Guinée abrite la plus grande mine de bauxite à ciel ouvert au monde, le Burkina Faso, quatrième producteur d’or d’Afrique ou encore le Sénégal l’un des principaux producteurs de phosphates et de zircon. Malheureusement, cette richesse ne contribue pas suffisamment à la croissance de ces pays, et donc à leurs citoyens qui continuent de vivre dans la pauvreté ; et les femmes restent les plus impactées.
Force est de constater que le secteur des industries extractives laisse une place peu enviable aux femmes. Il est dominé par les hommes et est marqué par des inégalités de genre. Les femmes sont largement sous-représentées. Aujourd’hui le défi reste pour les gouvernements de remédier à toutes ces disparités, en améliorant l’exploitation de leurs ressources naturelles de manière transparente et équitable tout en tenant compte de l’égalité genre.
L’égalité genre : Qu’est ce qui est fait jusque-là?
Les dispositions liées à l’égalité des sexes dans la Norme ITIE 2019 commencent à faciliter une prise de décision plus inclusive, mais il reste encore un long chemin à parcourir. La norme a intégré des dispositions sur le genre, une grande première. Les nouvelles dispositions ont pour but d’améliorer la participation des femmes dans la gestion des ressources extractives.
Désormais, elle, fait obligation aux groupes multipartites de tenir compte de l’équilibre homme-femme dans leur composition et de divulguer des données sur l’emploi par entreprise, par genre et par niveau d’emploi.
Par exemple au Burkina Faso, la représentation des femmes dans le GMP a connu une grande évolution. Elle est passée de 16 à 32%, soit 8 femmes sur 25 membres selon une étude de Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) en Afrique de l’Ouest.
En Guinée, lors de la campagne de dissémination du rapport ITIE tenue en 2021, les organisations féminines sont ajustées davantage et leur prise de parole encouragée, seulement le nombre de femmes n’a pas dépassé 10%, d’après toujours une étude de PCQVP.
Si les ressources extractives doivent profiter aux communautés, les femmes et les hommes doivent être impliqués dans la gestion et la gouvernance du secteur extractif pour au final qu’ils puissent bénéficier d’un accès égal aux emplois.
Un autre point important : le partage et l’accès aux informations. Pour Zainab Ahmed, actuelle Ministre des Finances, du Budget et de la Planification du Nigéria :
« La divulgation des données est essentielle pour améliorer l’inclusion des femmes, car elle fournit aux gouvernements, aux entreprises et aux autres parties prenantes les informations dont ils ont besoin pour identifier les domaines où les femmes sont sous-représentées ou marginalisées de manière disproportionnée, afin qu’ils puissent intervenir et appliquer les mesures nécessaires ».
Elle estime que le partage des données assure également le respect de la transparence et la redevabilité.
« Par exemple, obliger les entreprises à divulguer des statistiques sur l’emploi, ventilées par sexe, permettrait d’adopter des pratiques plus inclusives en matière d’embauche. »
De grands défis persistent toujours
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Jusqu’où les femmes sont-elles représentées?
Les industries extractives sont exploitées et gouvernées par les hommes de façon disproportionnée, et les politiques sectorielles tenant compte du genre sont relativement rares. En général, entre 80 et 90 % des emplois sur un site d’exploitation de ressources naturelles sont occupés par des hommes. Des chiffres avancés par la Banque Mondiale dans son étude dénommée « L’exploitation minière en Afrique, les communautés locales en tirent-elles parti ? ».
Pour le cas du Sénégal, les femmes s’activant dans les industries extractives représentent moins de 25% des effectifs employés, informe la coalition nationale Publiez Ce Que Vous Payez. Des chiffres sur l’emploi formel du Rapport ITIE Sénégal 2019, mettent la lumière sur la représentativité des femmes dans le secteur extractif. Le rapport montre que les femmes représentent 5% des cadres supérieurs des 25 grandes entreprises des secteurs minier et pétrolier au Sénégal. Cependant, force est de constater que globalement, hommes et femmes confondus, les cadres sénégalais ne représentent que 48% de cette classe professionnelle.
Comme l’estime Awa Marie Coll Seck, Présidente du Comité national de l’ITIE Sénégal :
« Nos données sur la représentation des sexes dans les industries extractives constituent la base du débat et des initiatives visant à donner aux femmes les moyens de participer davantage aux activités du secteur et de mieux contribuer à l’économie du Sénégal ».
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À qui profitent les revenus?
Les femmes bénéficient elles des retombées financières qui proviennent des ressources extractives ? D’après une analyse de l’Institut de gouvernance des ressources naturelles (NRGI) de 2017, qui porte sur « l’indice de gouvernance des ressources naturelles », les femmes vivant dans les pays tributaires des ressources minérales connaissent souvent une plus grande inégalité en matière de distribution de la richesse et de respect de leurs droits.
Dans certains pays, les facteurs socioculturels qui confèrent aux femmes un statut particulier les restreignent à la sphère domestique et aux rôles marginaux, le taux élevé d’analphabétisme dans les zones rurales, sont autant d’obstacles pour l’épanouissement économique des femmes. Cela conduit souvent à leur attribuer un rôle marginal dans la chaîne de valeur, rôle qui s’exerce dans des conditions très désavantageuses.
Les femmes disposent rarement d’un permis ou d’une licence d’exploitation et ne sont quasiment jamais détentrices d’un titre de propriété. Cela est dû essentiellement au manque d’autonomisation financière car, pour être propriétaire d’un carré d’exploitation, s’acheter un permis ou même devenir négociante, il faut disposer d’un capital d’investissement.
Avec les projets extractifs, les femmes perdent leurs terres. Les moyens de subsistance traditionnels sont perdus. Certaines femmes recourent au travail du sexe pour subvenir à leurs besoins, augmentant ainsi le risque d’être les victimes de violences sexuelles et basées sur le genre.
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Quelles mesures doivent-être prises?
Pilier de stabilité socio-économique et vecteur de revenus en Afrique de l’Ouest, paradoxalement la femme reste le maillon faible dans le secteur des industries extractives. Il est vrai que des efforts majeurs ont été réalisés, cependant il reste de nombreux défis à relever pour que les femmes puissent avoir un statut privilégié dans le secteur extractif. Pour atteindre cet objectif, cela passera par la mise en œuvre de principales stratégies propices à l’instauration d’industries extractives inclusives comme :
- l’intégration de la dimension genre dans les politiques de contenu local ;
- le partage de façon équitable entre hommes et femmes des revenus issus des ressources extractives ;
- l’amélioration de la formation et du développement des compétences des filles et des femmes ;
- encourager l’investissement dans les infrastructures partagées dans les zones d’exploitation des ressources extractives ;
- définir des instruments de gouvernance de l’exploitation artisanale et à petite échelle afin de réduire les formes de violence dont les femmes y sont victimes ;
- réduire au minimum les pertes des moyens de subsistance des femmes en faisant preuve de diligence raisonnable pour pallier les retombées sociales et environnementales, et créer davantage d’emplois ;
- inciter et encourager l’implication et le leadership des femmes dans les organisations de la société civile et dans les instances de prise de décision du secteur, comme l’ITIE ;
- renforcer la participation des femmes dans les groupes multipartites ou encore consolider le rôle de l’ITIE dans la promotion des droits des femmes.
Cet article a d’abord été publié sur le site du média Droit dans ses bottes.