Monsieur le Président,
Nous, leaders de la société civile africaine de Publiez Ce Que Vous Payez – une coalition mondiale qui fait campagne pour un secteur ouvert et responsable dans les domaines de l’extraction gazière, pétrolière et minière -, nous adressons à vous à la veille du Sommet US- Africa Leaders qui se tiendra les 5 et 6 août à Washington D.C.
Nous nous adressons à vous en tant que citoyens inquiets et impuissants de voir nos pays privés de revenus alors que des flux financiers siphonnent l’Afrique de ses ressources. La fixation erronée des tarifs commerciaux, l’opacité et le secret des juridictions ont fait perdre à notre continent plus de 1 mille milliards de dollars au cours des 30 dernières années. L’Afrique génère des revenus qui tombent dans les coffres de sociétés et des hommes au pouvoir immensément riches au détriment de populations de plus en plus pauvres. Cela est inadmissible et inacceptable.
Nous nous adressons à vous en tant que parents inquiets, qui craignent pour l’avenir de leurs enfants qui risquent de ne pas bénéficier des retombées de l’exploitation des ressources naturelles. A notre avis, l’exploitation de nos ressources naturelles doit être l’occasion pour nos pays de créer une meilleure qualité de vie pour les générations futures, mais si une bonne gouvernance ne prévaut pas, cette chance sera perdue.
Nous nous adressons à vous en tant qu’Africains engagés et acteurs d’une société civile crédible qui s’impliquent en faveur d’une bonne gouvernance. Malgré les difficultés, la bonne gouvernance s’installe peu à peu en Afrique. Des pays adoptent et mettent en œuvre des normes telles que l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives. Les gouvernements sont en train de prendre possession de la gestion des ressources naturelles, par exemple en adaptant la Vision minière pour l’Afrique. Les codes miniers sont en cours de modification non seulement pour encourager les investissements, mais aussi pour incorporer les principaux mécanismes en faveur de la transparence et de la responsabilisation. Lorsque nous visitons des communautés extractives, les citoyens nous demandent comment les recettes provenant de leur pétrole et de leurs mines sont dépensées. Nous créons des attentes quant au fait que le gouvernement a un rôle à jouer pour gérer les ressources naturelles d’une manière responsable et transparente. Mais nous, en tant que société civile, avons besoin d’un espace garanti et d’une plate-forme afin que nous puissions fonctionner.
Vous avez déclaré en une occasion que « l’avenir de l’Afrique appartient aux Africains » ; et c’est tout ce que nous demandons. Nous luttons chaque jour pour changer notre avenir. Nous risquons de nous faire arrêter et nous subissons des intimidations au quotidien pour nous décourager d’évoquer publiquement la question des ressources naturelles. Grâce à notre action, nos concitoyens sont de plus en plus conscients de leurs droits et en débattent publiquement. Le secteur de l’extraction comporte de nombreux acteurs et la société civile a des recours limités considérant la situation actuelle. Nous voulons pleinement jouer notre rôle et demander des comptes à nos gouvernements, mais le secteur extractif actuel qui favorise le secret et la corruption doit changer. Les États-Unis et les autres pays développés, ainsi que des entreprises extractives internationales, profitent énormément du secteur et des règles qui leur sont favorables. Cela doit changer.
Nous ne vous demandons pas la charité – nous demandons simplement à être sur un pied d’égalité. Nous considérons le Sommet US- Africa Leaders comme une opportunité majeure pour que toutes les parties prennent des engagements concrets afin d’améliorer la gouvernance dans le secteur de l’extraction. Nous demandons à nos gouvernements de s’engager en faveur d’un processus d’appel d’offres ouvert et transparent pour l’attribution des licences et des contrats extractifs, y compris la publication des contrats. Nous demandons à ce que nos gouvernements s’engagent à créer des procédures de budgétisation ouvertes, de sorte que nous puissions nous assurer que les recettes extractives sont dépensées de manière responsable. Nous leur demandons également d’inclure des formulaires de déclaration de propriété réelle dans les appels d’offres et les contrats.
Nous sommes conscients que nos gouvernements ne peuvent pas agir seuls.
Raison pour laquelle, Monsieur le Président, nous faisons respectueusement appel à vous.
Cela fait plus de quatre ans que vous avez signé le Dodd-Frank Act dont l’article 1504 oblige toutes les entreprises extractives américaines à publier les paiements qu’elles effectuent. Cette loi, si elle est appliquée, génèrera des données essentielles qui peuvent nous aider à demander des comptes à nos gouvernements, mais malheureusement, elle n’est pas encore en vigueur. Nous vous demandons de prier instamment la SEC de publier rapidement des règles régissant l’article 1504 pour garantir que la nouvelle norme soit en ligne avec la récente législation de l’Union européenne ainsi qu’avec celle, naissante, applicable mondialement en faveur de la transparence extractive.
Les États-Unis furent en première ligne du combat pour la transparence extractive, nous vous demandons de poursuivre cet engagement et de collaborer avec d’autres pays du G7/G20 pour adopter et mettre en œuvre des mesures similaires à celles du Dodd-Frank 1504 et des directives comptables et de transparence de l’UE.
Nous vous demandons de vous engager à renforcer les règles multilatérales sur la fiscalité pour freiner la fixation erronée des tarifs commerciaux et les prix de transfert abusifs afin de garantir que les pays africains aient au moins une chance de tirer profit de leurs ressources.
Enfin, nous vous prions de prendre l’engagement de créer un registre public des informations sur les propriétaires réelles d’entreprises. Des pays, parmi lesquels la République démocratique du Congo, le Libéria, le Niger, le Nigéria, la Tanzanie et la Zambie sont en train de s’y mettre dans le cadre de la norme ITIE, et le Royaume-Uni s’est engagé à le faire dans le cadre de l’ordre du jour Fiscalité, Commerce et Transparence du G7. Nous souhaitons que le leadership américain suive cet exemple.
L’Afrique dispose des ressources nécessaires pour forger son propre destin. Toutefois, nous avons besoin de changer le système mondial qui met un frein à nos ambitions. La révolution en faveur de la transparence et d’une gouvernance ouverte a commencé, nous vous demandons de nous aider de la mener à terme.
Signé par le Comité de pilotage Afrique, ainsi que par Marc Ona Publiez Ce Que Vous Payez Gabon et Cecilia Mattia National Advocacy Coalition for Extractives, Sierra Leone dans leur capacité de représentant du comité de pilotage mondial de PCQVP.
Le Comité de pilotage Afrique :
Taran Diallo, Publiez Ce Que Vous Payez Guinée-Conakry
Ali Idrissa, Reseau des Organisations pour la Transparence et Analyse Budgetaire / PCQVP Niger
Bubelwa Kaiza, FORDIA Publish What You Pay, Tanzania
Jean-Claude Katende, Publiez Ce Que Vous Payez, République Démocratique du Congo
Gilbert Maoundonodji, Publiez Ce Que Vous Payez, Tchad
Steve Manteaw, Publish What You Pay, Ghana
Faith Nwadishi, Publish What You Pay Nigeria