Les minerais de transition pourraient transformer la RDC, mais les communautés locales doivent avoir leur mot à dire

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Cette tribune a d’abord été publiée en anglais le 13 novembre 2022 dans The Independent – Ouganda.

Les minerais de transition pourraient transformer la République démocratique du Congo (RDC), mais les communautés locales doivent avoir leur mot à dire, écrit Jean-Claude Katende, coordinateur de Publiez Ce Que Vous Payez RDC.

Depuis le 19e siècle et le régime colonial assassin instauré par la Belgique et Léopold II, les ressources naturelles du Congo sont pillées, au détriment de la population.

Depuis près de 150 ans, la corruption ainsi qu’une extrême violence entachent l’extraction de notre caoutchouc, de notre ivoire, de notre or, de notre bois et de nos diamants. Les responsables de ces ravages sont à la fois locaux·ales et étranger·ère·s. Pendant ce temps-là, la plupart des Congolais·e·s ne profitent pas des avantages économiques ou sociaux issus de nos richesses naturelles et dépérissent dans la pauvreté.

Aujourd’hui, les minerais de la République démocratique du Congo (RDC) sont convoités pour propulser le monde vers un avenir énergétique propre.

Il est urgent de décarboner le monde pour endiguer le chaos climatique et veiller à ce que notre planète reste habitable. Selon une estimation, il faudra pour cela multiplier par six la production de minerais tels que le cobalt, le lithium, le nickel et le cuivre, nécessaires pour produire, transporter, stocker et utiliser l’électricité générée par des énergies plus propres comme le vent et le soleil. 

La RDC et d’autres parties d’Afrique qui détiennent de vastes réserves de ces minerais de transition joueront alors un rôle clé.  

Un tremplin pour le développement ?

Le cobalt est l’un des minerais les plus recherchés au monde ainsi que l’un des principaux composants des batteries lithium-ion qui alimentent notamment les véhicules électriques.

La RDC est de loin le plus grand pays producteur de cobalt : en 2020, quatre mines congolaises ont produit à elles seules 41% de l’approvisionnement mondial en cobalt. L’Afrique, quant à elle, détient 19% des réserves mondiales en métaux nécessaires pour fabriquer un véhicule électrique avec une batterie standard.  

L’essor actuel des minerais de transition va continuer de s’accélérer.

La Banque mondiale a conclu que la production de minerais tels que le cobalt pourrait augmenter de près de 500% afin de répondre à la demande en technologies d’énergies renouvelables. Par ailleurs, selon une étude menée par l’Université d’État du Michigan, la valeur des gisements de minerais bruts inexploités en RDC dépasse les 24 milliards de dollars.

Correctement utilisée, cette richesse pourrait devenir un tremplin qui nous permettrait de développer notre pays et d’offrir à nos citoyen·ne·s les services sociaux dont ils·elles ont tant besoin : de l’eau propre, de l’électricité, des routes en bon état, des écoles, des soins de santé et une sécurité économique.

Mais pour le moment, nous en sommes encore loin.

L’exploitation des minerais de transition continue de profiter à la classe dirigeante et aux entreprises, aux dépens des citoyen·ne·s lambda. Le secteur extractif est toujours en proie à la corruption, à une mauvaise gouvernance ainsi qu’à des violations des droits humains et de l’environnement. Si cela continue, il n’offrira pas de véritable opportunité de transformation à la RDC ni à l’Afrique et ne fera qu’exacerber la misère qui accompagne depuis si longtemps l’exploitation de nos ressources naturelles. 

Des violations omniprésentes

Nous y faisons déjà face. Au Lualaba et au Haut-Katanga, les deux provinces qui se trouvent au cœur de l’industrie minière du cobalt et du cuivre en RDC, les violations des droits humains et la destruction environnementale sont monnaie courante. Les populations sont largement exclues des profits et des opportunités d’emploi générés par l’afflux d’entreprises minières internationales.

Le Ministère du Travail des États-Unis a estimé qu’environ 35 000 enfants travaillent dans les mines de cobalt en RDC, principalement dans des mines artisanales et à petite échelle. Des personnes qui ne sont pas officiellement employées par les sociétés minières extraient des minerais dans des conditions souvent déplorables et les vendent à des intermédiaires sur des marchés ouverts. Les minier·ère·s artisanaux·ales et autres résident·e·s locaux·ales sont victimes de violence et peuvent même être tué·e·s par les forces de sécurité pour avoir empiété sur les sites miniers industriels.

Pourtant, la pression est de plus en plus forte partout dans le monde pour faire changer cela et pour que la ruée vers les minerais utilisés pour les technologies d’énergies renouvelables ne s’accompagne pas des mêmes erreurs produites par le passé.

La dynamique du changement

Ce mois-ci, 250 organisations de la société civile issues de 62 pays différents ont interpellé les dirigeant·e·s mondiaux·ales ayant assisté à la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27) en Égypte. Leur objectif est d’initier un réel changement dans la manière dont les minerais sont extraits et utilisés et de chercher des solutions qui permettront de réduire la dépendance au secteur extractif.

Ces organisations, dont la coalition de Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) RDC fait partie, œuvrent dans plusieurs domaines, depuis la protection de l’environnement et des droits humains jusqu’à la lutte contre la corruption. Elles représentent différents groupes marginalisés, notamment les communautés locales, les femmes et les jeunes.

Un point clé de nos demandes est que les communautés concernées par l’exploitation minière à travers le monde soient consultées de manière significative et participent aux décisions affectant leur vie, qu’elles aient le droit de refuser de consentir à l’exploitation minière et que les minerais soient uniquement extraits selon les normes internationales les plus rigoureuses en matière de droits humains et de l’environnement.

Nous devons aussi veiller à ce que les communautés qui se trouvent en première ligne puissent bénéficier de l’exploitation minière. Des revenus doivent être alloués aux projets de développement durable permettant la diversification économique. En RDC, le système de collecte et d’allocation de ces revenus devrait être numérisé et la capacité des agents locaux chargés de mettre en œuvre des plans de développement à l’échelle des communautés locales devrait être renforcée.   

La lutte contre la corruption et une gouvernance renforcée comme conditions préalables

Il est essentiel que le marché des minerais de transition soit bien réglementé, transparent, juste et équitable. 

Pour cela, il faudra mener une lutte acharnée contre la corruption et le détournement de fonds, grâce à un système juridique impartial, plus fort et plus proactif.

La divulgation exhaustive des contrats miniers est essentielle pour éliminer la corruption et renforcer la gouvernance dans le secteur extractif. En tant que membre de l’Initiative pour la transparence des industries extractives, la RDC elle-même est tenue de respecter cette condition.

Nous devons écrire un nouveau chapitre de l’histoire de l’extraction des ressources naturelles en RDC mais aussi en Afrique : un chapitre dans lequel nos sociétés seront transformées de manière positive par les minerais de transition et dans lequel nous nous battrons pour mettre fin à la crise climatique à laquelle notre continent n’a que très peu contribué.

 

Fervent défenseur des droits humains, Jean-Claude Katende plaide depuis longtemps en faveur de la transparence et de la bonne gouvernance des industries extractives. Il est coordinateur national de PCQVP RDC, président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO) et vice-président de la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH). 

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