Légiférer, ne pas négocier – les ressources minérales : la fortune de la Zambie ?

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Comme dans de nombreuses autres nations, les taxes représentent la principale source du revenu intérieur, rendant vitale la question de l’imposition pour la gouvernance et le développement de notre pays. On ne peut trop insister sur l’importance de la fiscalité puisque les gouvernements sont désignés en fonction de leurs promesses de modifier les régimes fiscaux pour le plus grand bénéfice des citoyens, et se retrouvent pénalisés lorsqu’ils omettent de le faire. Équilibrer les différents intérêts du gouvernement, des contribuables, des salariés, des investisseurs et des autres parties prenantes est loin d’être simple, et demeure l’un des grands défis de la justice fiscale au niveau mondial.

Avec plus d’un siècle d’activités minières en Zambie, les redevances du secteur minier devraient constituer l’une des plus grandes sources de revenu intérieur pour la Zambie, et étaient censées contribuer au budget national de 2015 à hauteur de 12,7 %. Mais la réalité est que l’exploitation de nos ressources ne permet pas d’accomplir beaucoup de choses. La Zambie est l’un des pays les plus pauvres d’Afrique avec environ 63 % de la population vivant dans la pauvreté, et 7 Zambiens sur 10 disposant de moins de deux dollars par jour. Des règles bénéfiques et une administration fiscale rationnelle régissant l’exploitation minière devraient avoir créé un revenu régulier, comme cela est arrivé au Botswana et en Norvège, chacun de ces pays reposant fortement sur la production de ressources naturelles, ce qui leur a permis d’accomplir de grands progrès au niveau économique. Au lieu de cela, la résistance opposée par les sociétés d’extraction à la redevance minière proposée de 20 % pour les exploitants à ciel ouvert et de 9 % pour les mines souterraines a poussé le gouvernement zambien à fixer le niveau de redevances à 9 % pour tous, et l’impôt sur les sociétés à 30 % de la part revenant au gouvernement, ce qui l’a confronté à un déficit budgétaire considérable.

Les minéraux sont non renouvelables et ne peuvent être remplacés une fois extraits. Une fois que le cuivre, le cobalt, le charbon, le manganèse, l’or, l’uranium et les émeraudes auront été extraits, raffinés et exportés, la richesse de la Zambie finira par diminuer. C’est pourquoi il est essentiel que la valeur réelle des ressources extraites soit connue et que les recettes provenant de l’exploitation minière soient investies dans un secteur productif et durable, sinon l’extraction de ressources finira par appauvrir le pays. Si elle n’est pas bien gérée, l’extraction minière donnera lieu à deux formes d’appauvrissement du capital-richesses : un épuisement des gisements de minéraux et des actifs environnementaux au-dessus du sol. Ceci, de concert avec le fait que l’exploitation minière entraîne inévitablement des risques pour la santé publique et l’environnement, pose la question suivante : les bienfaits supposés de l’extraction de minéraux surpassent-ils les dangers qui en découlent ?

Les sociétés minières sont le plus souvent imposées en fonction des coûts d’exploitation minière plutôt qu’en fonction de la valeur réelle des minéraux. Mais déterminer ce que les coûts d’exploitation devraient être est difficile et souvent influencé par les propres rapports et bilans des sociétés. Dans un pays comme la Zambie qui est dominé par les multinationales, la taxation est rendue encore plus problématique en raison des différents régimes que les sociétés emploient pour réduire les impôts qu’elles doivent payer. Plutôt que de payer des impôts sur leur revenu mondial, de nombreuses sociétés les paieront en fonction de leurs activités distinctes dans différentes juridictions fiscales.

Avec de nombreux biens et services échangés entre les différentes unités d’exploitation à l’intérieur des multinationales, il leur est facile de déclarer des pertes et des coûts de production élevés tandis que la société demeure rentable. En vendant des biens et des services depuis une unité d’exploitation dans un pays à faible imposition à une autre située dans une juridiction taxée plus fortement pour un prix de transfert relativement élevé, les sociétés sont en mesure de réduire les impôts qu’elles paient au niveau mondial, rendant encore plus difficile la tâche des administrations fiscales.

Une autre forme d’abus relatif aux prix de transfert peut également se produire lorsque les mines déclarent une valeur de production plus faible que la valeur marchande réelle. Elles peuvent sous-évaluer le volume réel de la production ou la teneur véritable du minéral, ou ne pas déclarer d’autres produits contenus dans le minerai. Par exemple, des minéraux comme l’or et l’argent sont parfois trouvés en Zambie dans le minerai de cuivre. Le contrôle de la qualité et du contenu de toute la production non seulement dans les mines, mais aussi dans les fonderies pose de nombreux problèmes aux gouvernements. Un gouvernement peut perdre des recettes fiscales considérables s’il ne dispose pas de processus appropriés et d’un personnel compétent pour les appliquer.

Pour résoudre ceci, le gouvernement zambien a lancé en 2014 le projet de surveillance de la chaîne de valeur des minéraux. Celui-ci vise à surveiller les ressources minérales du pays tout au long de la chaîne de valeur. Organisé par les autorités fiscales de Zambie (Zambia Revenue Authority – ZRA), l’objectif du projet est de fournir des données et des informations précises et fiables sur le secteur minier en aidant à créer l’élaboration de politiques efficaces et à améliorer l’administration fiscale et le contrôle du secteur minier. Si cela s’avère efficace, ce sera un pas de franchi pour la transparence dans les industries extractives, non seulement en Zambie, mais dans l’ensemble du continent. En complément de ceci, un projet d’assistance à la surveillance de la production minérale, soutenu par l’UE, est en cours de réalisation sous la supervision du ministère en charge de la Gestion de l’énergie, des mines et de l’eau (MMEWD) afin de surveiller efficacement les activités d’exploitation minière et la production minérale en Zambie, et de partager ces informations avec d’autres agences gouvernementales concernées pour faciliter la mobilisation des niveaux appropriés du revenu intérieur.

Il est toutefois inquiétant qu’il n’existe pas de méthode claire pour que les autorités fiscales contrôlent les marchandises et les services qui sont échangés entre les différentes unités d’exploitation au sein des multinationales. Cela pose toujours un défi s’agissant de déterminer les véritables coûts opérationnels de l’exploitation minière. Les dispositions zambiennes sur les prix de transfert sont contenues dans la loi sur l’impôt sur le revenu (LIR) de la Zambie. Cependant, il n’existe pas de règles détaillées sur les prix de transfert en Zambie, ni aucune sanction clairement définie, une lacune dont certaines sociétés ont profité. Par exemple, il existe des sociétés immatriculées en Suisse qui ont des filiales de production de cuivre en Zambie. L’une de ces filiales zambiennes vendrait le cuivre à son homologue basée en Suisse à des prix situés au-dessous de ceux du marché. La société basée en Suisse revend alors le même cuivre aux prix constatés mondialement comme s’il provenait de Suisse, empochant la différence de prix sous forme de profits tout en déclarant systématiquement des pertes en Zambie. Ironiquement, la Suisse est devenue un « grand exportateur de cuivre » bien que ce métal provienne en fait de Zambie.

La Zambie ne pourra profiter de ses activités d’exploitation minière que si les véritables coûts opérationnels de l’exploitation minière et une « imposition équitable » sont définis. Cela ne pourra se produire en Zambie que lorsque des mesures efficaces seront en place et des données précises seront obtenues. Le temps d’optimiser les avantages est maintenant venu et nos coalitions PCQVP Zambie appellent instamment à « légiférer, ne pas négocier ».

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