Loin de la ferveur des stades de football où se joue la Coupe Africaine des Nations, des groupes de la société civile se sont réunis dans les principales villes de Guinée équatoriale, Malabo et Bata, pour élire leurs représentants qui siègeront dans l’organisme décisionnaire local de l’ITIE. PCQVP était présent pendant ces élections sans précédent et s’en est fait l’écho.
La matinée a été longue, et moite. Les activistes de la société civile qui se sont réunis ce samedi pour élire leurs représentants ont eu le privilège d’être accueillis par la délégation du ministère des Mines, de l’Industrie et de l’Énergie, mais une coupure d’électricité a empêché d’utiliser les climatiseurs. La Guinée équatoriale est en effet connue pour ses nombreux paradoxes, notamment le paradoxe de l’abondance. En dépit de ses richesses naturelles, la Guinée équatoriale ne parvient pas à fournir à ses citoyens des services de base tels que l’eau courante, un système de santé ou d’éducation efficace, une infrastructure fiable et autres. La mauvaise gestion des recettes pétrolières, qui représentent jusqu’à 90 % du budget national, a entrainé un faible développement pour les 740 000 citoyens qui vivent en Guinée équatoriale.
C’est dans ce contexte que des protagonistes internationaux tels que la Banque mondiale, les multinationales pétrolières dont Exxon Mobil et Hess Corporation, ainsi que des membres de la coalition PCQVP ont appelé le gouvernement à mettre en œuvre l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE) en tant que première étape vers une gouvernance responsable des ressources en pétrole en Guinée équatoriale. Après avoir annoncé son intention d’adhérer à l’ITIE en 2006, la Guinée équatoriale l’a mise en œuvre entre 2008 et 2010. Mais en avril 2010, le comité international de l’ITIE a décidé que le pays ne se conformait pas aux exigences, notamment en ce qui concerne la libre participation de la société civile locale. Lors de la désinscription de la Guinée équatoriale cette année-là, le comité international a encouragé le gouvernement à se porter à nouveau candidat le plus rapidement possible. Cela a pris quelques années, mais le ministère des Mines, de l’Industrie et de l’Énergie s’est impliqué au cours des derniers mois en préparant le pays à faire de nouveau acte de candidature, une série d’ateliers d’information étant organisés à Malabo et Bata en automne dernier.
L’étape suivante a été la création du groupe multipartite local qui serait responsable de la mise en œuvre de l’ITIE au niveau national. Des représentants de sociétés extractives, des organismes d’État impliqués dans la mise en œuvre de l’ITIE et la société civile locale ont tous pu s’exprimer sur un pied d’égalité lors du processus de prise de décision. Pourtant, en 2008, le gouvernement a unilatéralement nommé des représentants de la société civile pour siéger au sein du GM en Guinée équatoriale. Il était évident que cette approche ne pourrait être choisie en 2014. Non seulement les règles de l’ITIE ont changé en 2013 avec l’adoption de la nouvelle norme qui interdit toute ingérence du gouvernement dans le processus de sélection de la société civile et des représentants des entreprises pour le GM, mais les groupes locaux de la société civile ont également fusionné en 2011 pour former un réseau coordonné, la Coordinadora, formant ainsi un front uni. C’est de cette façon que les organisations membres de la Coordinadora ont refusé de reconnaître les représentants de la société civile nommés par le gouvernement en 2012 et ont réussi à obtenir l’annulation de la nomination initiale, pour donner lieu à un processus de sélection indépendant.
Celui-ci a été organisé par les entités de coordination de la Coordinadora. Les ateliers de l’ITIE, auxquels de nombreuses OSC ont été conviées, ont été utilisés comme une occasion de discuter des critères et du processus de sélection. Sept critères, y compris le fait d’avoir la citoyenneté du pays, d’avoir reçu une formation sur l’EITI ou de ne pas occuper de poste influent au sein d’une société extractive ou de l’administration de l’état, ont été approuvés collectivement et un appel à candidature a été diffusé sur les chaînes nationales de télévision et de radio. La participation à Malabo et Bata fut élevée, avec un total d’environ 50 personnes, représentant à peu près 30 organisations différentes. Cinq représentants de la société civile ont été choisis dans chaque ville et les dix représentants sélectionnés auront la possibilité de voter et de choisir ceux qui seront membres en charge ou en suppléance.
La capacité d’organiser des élections locales représente une victoire pour la société civile et a été perçue comme un progrès important vers une participation libre, efficace et indépendante de la société civile à l’ITIE, qui est toujours considérée comme le point d’achoppement clé avant une nouvelle candidature.
En effet, les activistes de la société civile se heurtent à d’importants obstacles juridiques et pratiques pour être en mesure de fonctionner indépendamment en Guinée équatoriale. Les rassemblements de plus de dix personnes nécessitent l’obtention d’une autorisation officielle, ce qui est également le cas par exemple pour les activités réalisées avec les communautés locales. La disponibilité en financements est très limitée – bien qu’un fonds de soutien officiel de plusieurs millions de dollars existe, une gestion opaque ne permet pas de suivre la façon dont l’argent est alloué et à quelles fins. En outre, un financement étranger reste officiellement interdit. Plus préoccupantes sont les détentions arbitraires et les brimades qui visent les personnes osant critiquer le régime. En avril 2010, Alfredo Okenve a exprimé sa préoccupation à l’occasion d’une conférence à Washington sur la façon dont le gouvernement gère de sa richesse pétrolière, il a été par la suite immédiatement démis de ses fonctions à l’université. Ces types de brimades ont eu un effet paralysant sur la liberté d’expression dans un pays où les médias d’État sont presque la seule source d’information.
Publiez Ce Que Vous Payez se félicite des progrès petits mais encourageants réalisés par le ministère des Mines dans le cadre de la préparation de la nouvelle demande d’adhésion à l’ITIE. Mais PCQVP demande instamment au gouvernement de mettre en œuvre des réformes importantes pour permettre l’instauration d’un environnement propice dans lequel la société civile peut contribuer pleinement et activement au processus de l’ITIE.