Défendre l’espace civique grâce à des données probantes et à un soutien international 

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Un mouvement national et international diversifié a contribué à protéger l’espace civique dans la République kirghize en rassemblant des preuves du rétrécissement de l’espace civique et en s’appuyant sur l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) pour exprimer ses préoccupations. Ce mouvement a ainsi envoyé ainsi un puissant message aux gouvernements du monde entier. Nazik Imanbekova, membre de la coalition PCQVP, décrit leurs réalisations communes.

2023 a été marquée par un sentiment grandissant d’inquiétude parmi la société civile, les médias et les militant·e·s du secteur extractif en République kirghize. Depuis les bouleversements politiques de 2020, la société civile et les médias nationaux ont dû faire face à des contraintes croissantes. Avant la dernière validation de l’ITIE, la répression gouvernementale risquait d’empêcher les examinateurs de comprendre la vraie menace qui pesait sur l’espace civique. En réponse, un mouvement national a vu le jour – et a gagné un soutien international – pour éviter que cela se produise.

L’exploitation minière représente 10 % du PIB de la République kirghize, qui est membre de l’ITIE depuis 2011. Bien que cette industrie affecte de nombreuses personnes, les militant·e·s du secteur ont commencé à s’autocensurer et à faire preuve de prudence lorsqu’il s’agissait de dénoncer des problématiques liées aux droits des communautés ou à l’environnement. Le régime actuel a emprisonné des opposants et des journalistes pour avoir mis en lumière de récentes affaires de corruption ou remis en doute des mesures prises par le gouvernement. Les médias locaux et internationaux sont muselés et une nouvelle législation étouffe les voix d’opposition à travers la société. 

Inspirés par PCQVP Philippines, nous avons décidé de rédiger un rapport de l’ITIE alternatif pour faire état du rétrécissement de l’espace civique national. 

Garantir une validation de l’ITIE constructive 

Nous avons commencé à interroger des parties prenantes en janvier 2023, en présentiel et en ligne, afin d’inclure plusieurs points de vue. Nous avons échangé avec des membres du groupe multipartite de l’ITIE kirghize, de la société civile, des agences gouvernementales et des sociétés minières, ainsi qu’avec des experts du secteur et des membres de PCQVP. Nous avons également consulté des rapports produits par des organisations nationales portant sur le cadre juridique.

La plupart des personnes interrogées s’accordent à dire que l’espace civique kirghize diminue peu à peu, et ont fait part d’expériences personnelles pour étayer leurs propos. L’une de ces personnes a fermé son ONG suite à l’adoption de réformes financières et à l’augmentation de la pression exercée sur ce que le gouvernement considérait comme des « organisations gênantes ». D’autres ont souligné que l’ITIE avait la capacité de résoudre ces problématiques, évoquant de précédentes collaborations fructueuses entre la société civile, les entreprises et le gouvernement dans le but de garantir la transparence du secteur minier, qui ont eu lieu avant les changements politiques et la pandémie.

Notre rapport a  détaillé des recommandations fondées sur des données probantes  pour les parties prenantes de l’ITIE, afin de renforcer l’espace civique. Par exemple, proposer des formations pour promouvoir une participation constructive de la société civile aux processus de l’ITIE et établir des plateformes favorisant des interactions efficaces ainsi que la résolution des conflits entre les parties prenantes locales.

En mai 2023, nous avons publié ce rapport et l’avons partagé avec le secrétariat international de l’ITIE. Cela nous a permis de plaider pour que la validation de l’ITIE comprenne des recommandations visant à améliorer l’espace civique.

Le comité de validation s’est appuyé sur le rapport pour réaliser son évaluation,  a octroyé à la République kirghize un « score relativement faible » pour la mise en œuvre de l’ITIE et a approuvé notre recommandation de mettre en place des mesures correctives. Voici quelques exemples de mesures : prévenir les restrictions de l’espace civique et évaluer l’impact des exigences législatives et réglementaires sur les OSC afin de veiller à ce que la société civile puisse participer librement et efficacement aux processus de l’ITIE. 

Impact sur le cadre juridique

L’action du rapport alternatif a dépassé les attentes : en plus de renforcer la société civile dans le cadre du mécanisme ITIE du pays, il constitue un outil précieux pour résoudre des problématiques parallèles. 

Le gouvernement avait révisé sa loi à fort impact pour les ONGs,   la Loi sur les agents étrangers1, par de nouvelles dispositions étouffant les voix d’opposition au sein des partis politiques, des ONG, des associations professionnelles, des syndicats, des organisations religieuses et des médias. Tandis que le parlement adoptait les premières lectures, les militant·e·s de ces groupes se sont uni·e·s pour s’y opposer et nous avons utilisé le rapport pour obtenir un soutien à l’échelle internationale. 

 Ensemble, PCQVP et le conseil international de l’ITIE ont créé une campagne de plaidoyer fondée sur des preuves pour dénoncer les dispositions répressives de la loi, notamment des peines de prison sévères et des amendes pour les infractions . L’UE, les États-Unis et diverses ambassades européennes nous ont soutenus et Helen Clark, présidente du conseil international de l’ITIE, a écrit au gouvernement pour faire part de ses préoccupations concernant l’impact négatif du projet de loi sur l’espace civique. Grâce à ce soutien, les ONG nationales ont jugé être en mesure de s’exprimer dans les médias, ce qui a apporté davantage de légitimité aux porte-paroles mondiaux. Le gouvernement a cédé, supprimant les sanctions les plus sévères  de la loi. 

Les membres du groupe multipartite s’appliquent à présent à mettre en œuvre les mesures correctives de l’ITIE avant une validation provisoire en 2024, motivée par le faible score du pays. Bien que les mesures correctives ne mentionnent pas directement la loi sur les agents étrangers, elles ont clairement exigé que le groupe multipartite évalue son impact potentiel sur la société civile. Cette exigence crée un moyen de contrôle formel pour le présent et l’avenir, ce qui permet à la société civile et à nos alliés de faire des signalements si nécessaire. 

Enseignements clés : impact de l’ITIE et des données probantes

Ces réalisations communes de notre mouvement ont confirmé la grande efficacité de cette approche, que nous pourrions adopter à nouveau  et qui pourrait s’avérer utile dans des contextes similaires.

Nos enseignements clés :

  1.  Les données probantes comme outil : il est crucial de posséder des preuves tangibles pour défendre les libertés civiques et influencer les processus de validation.
  2.  Un soutien national et international :  au-delà de façonner le processus de validation, le rapport alternatif a aidé à établir un soutien national et international large pour la défense de l’espace civique, et façonnera également  les futures discussions du groupe multipartite.
  3.  Le rôle de l’ITIE : l’ITIE et les mécanismes de plaidoyer internationaux peuvent faire une réelle différence lorsque les mécanismes domestiques ne suffisent pas à protéger l’espace civique. L’ITIE a été une plateforme essentielle pour notre rapport, qui aurait été invisible en dehors des processus de validation. 

 

Bien que la société civile soit toujours sous pression, ces changements sont importants pour notre pays, notre région et les membres de l’ITIE à travers le monde. Ils indiquent clairement que les dirigeants doivent défendre l’espace civique et permettre à toutes les voix de la société d’être entendues.


1 Le nom officiel du projet de loi est « Le projet de loi “sur les amendements à certains actes législatifs de la République kirghize (loi de la République kirghize ”sur les succursales (bureaux de représentation) des organisations à but non lucratif » et au code pénal de la République kirghize) ». Le gouvernement a modifié la loi et y a ajouté des articles sur les « représentants étrangers ». La loi sur les agents étrangers est le nom donné à la loi par les médias. 

   

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