De la corruption, de la Constitution et du manque de Consultation : l’état de la transparence au Niger
Le samedi 6 juin 2015, les membres du Réseau des organisations de la société civile pour la transparence et l’analyse budgétaire (ROTAB), ou Publiez Ce Que Vous Payez Niger, et des milliers de citoyens nigériens sont descendus dans les rues de Niamey pour exprimer leur mécontentement quant aux derniers événements ayant marqué le pays.
Des prix élevés à la pompe et de longues coupures d’électricité fréquentes ont déjà rendu la vie difficile aux citoyens du Niger, mais pour ROTAB, ce fut l’arrestation de deux militants de la société civile, Moussa Tchangari d’Alternative Espace citoyen (AEC) et Nouhou Arzika du Mouvement pour une citoyenneté responsable (MPCR), qui a déclenché une mobilisation massive. Moussa Tchangari et Nouhou Arzika s’étaient exprimé sur la manière dont le gouvernement a géré la situation de crise avec Boko Haram dans le sud du pays ainsi que sur la façon dont il traite ses forces de sécurité loyales. Tous deux ont par la suite été arrêtés et libérés après seulement une semaine. Ces récentes arrestations étaient les dernières d’une vague d’autres arrestations au cours de l’année dernière, y compris la détention, notamment d’Ali Idrissa, membre du conseil de PCQVP, et de dix autres activistes, pendant la visite de François Hollande l’an dernier dans le cadre de la renégociation du contrat avec le géant nucléaire française Areva.
La mauvaise gouvernance est au cœur de la crise sociale au Niger, un pays qui, malgré son rang de quatrième producteur d’uranium (ce qui permet d’éclairer une ampoule sur trois en France), figure en dernier dans l’indice de développement humain (187 sur 187). Un an après la visite du président français, le contrat entre AREVA et le gouvernement nigérien n’a toujours pas été publié, violant ainsi la Constitution de 2010 qui dispose que les contrats entre les entreprises et le gouvernement doivent être publiés. Dans un communiqué de presse conjoint publié par Oxfam France et ROTAB, Ali Idrissa a déclaré qu’« une année après que le contrat a été signé, nous ne savons pas encore tout à fait ce que les deux parties ont convenu, car nous ne l’avons pas lu. En fait, nous nous demandons si le contrat existe effectivement ou si ce n’était qu’un coup de pub pour satisfaire les demandes de la société civile. »
Les allégations de mauvaise gestion, au mieux, et de corruption, au pire, se rapportent aussi à un conflit entre la SOPAMIN, la société minière appartenant à l’État du Niger, et la Société des mines du Liptako (SML), une société privée, portant sur la gestion de la mine d’or de Samira Hill, près de la frontière avec le Burkina Faso. Le nouveau directeur de la SML, Abdelkader Cisse, avait demandé un audit auprès du ministre des Mines à titre de bonne pratique et pour servir de point de référence pour de futures analyses comparatives. Mais à sa grande surprise, Hamidou Tchiana, le ministre des Mines, a rejeté cette demande. Le ministre Tchiana a prétendu qu’un audit avait déjà été mené, mais M. Cisse réfute ces arguments, car celui-ci n’a pu être consulté par lui et sa direction. Plus important encore, d’autres transactions suspectes ont été découvertes pour un montant d’un million de dollars américains environ à titre d’honoraires juridiques ainsi que des écarts s’agissant du cours de l’action de la SEMAFO, qui est cotée au Canada, lors d’une cession effectuée au profit de la SOPAMIN à la fin 2013. On pourrait soutenir qu’un audit offre toutes les garanties et que le refus du ministre peut ainsi légitimement susciter une suspicion et d’autres interrogations.
En même temps, le ministre Tchiana et son équipe sont en train de réviser le Code de l’industrie minière comme c’est le cas dans de nombreux autres pays d’Afrique de l’Ouest. S’agissant d’un pays conforme à l’ITIE comptant deux membres nigériens siégeant au sein du conseil international de l’ITIE, il serait juste de dire que la consultation de la société civile devrait être garantie. Toutefois, la société civile a uniquement reçu une invitation pour assister à un atelier de consultation et les principaux documents lui ont été transmis trois jours avant qu’il ne commence la semaine dernière. Ce n’était pas un délai suffisant pour que la société civile puisse préparer une analyse professionnelle et élaborer un processus adapté et efficace. Le Niger court le risque d’approuver un Code minier qui n’a pas reçu l’appui de la société civile, en particulier des communautés vivant à proximité de sites d’extraction.
Pour un pays qui a été salué il y a quatre ans comme un modèle de bonne gouvernance de l’industrie extractive en raison de sa constitution progressiste, de son respect de la société civile et de son statut de conformité à l’ITIE, ce n’est tout simplement pas suffisant.