Areva/ Niger: trois ans après les renégociations, un partenariat toujours aussi déséquilibré
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En 2014, le Niger annonce avoir renégocié avec succès les contrats d’exploitation de l’uranium avec l’entreprise publique française Areva. Des nouvelles données publiées par Areva remettent aujourd’hui en doute les bénéfices du Niger dans ce nouveau partenariat pourtant annoncé comme « gagnant-gagnant ».
Le Niger est un pays stratégique pour Areva. L’entreprise française y extrait près de 30% de son uranium. Pourtant, en 2015, le Niger n’a reçu que 7% des paiements d’Areva au pays producteur. Un traitement bien moins favorable que celui réservé par Areva au Kazakhstan. Comment l’expliquer ?
La nature déséquilibrée du partenariat entre Areva et le Niger a déjà fait couler de l’encre. En 2013, Oxfam France et le ROTAB, tous deux membres du mouvement Publiez ce que vous payez (PCQVP) lancent une campagne afin de dénoncer la faible de contribution d’Areva au Niger. Le 26 mai 2014, après de long mois de tractations, le Niger et Areva annonce la signature d’un Accord de partenariat stratégique renouvelant les contrats d’exploitation d’uranium dans le pays. Un accord annoncé comme « gagnant-gagnant » par les deux partis. Pendant plusieurs mois, les négociations ont notamment bloqué sur l’application par Areva d’un nouveau régime de redevance, basé sur la rentabilité des mines et amené à faire augmenter les recettes d’uranium dans un des pays les plus pauvres au monde. Ce nouveau régime est finalement adopté dans le nouvel accord.
Grâce à de nouvelles obligations européennes, Areva est tenu depuis 2016 de publier l’ensemble des versements que l’entreprise effectue aux gouvernements des pays où elle exploite des ressources naturelles, pour chacun de ses projets. Dans le cadre du programme Data Extractors, nous avons analysé les versements déclarés par Areva au gouvernement du Niger – les premiers publiés depuis la renégociation des contrats. Le constat est sans appel : loin d’augmenter les recettes du Niger, la contribution financière d’Areva a baissé depuis la signature de l’Accord de partenariat stratégique. Encore une fois, les données publiées par l’entreprise française nous aident à comprendre pourquoi.
Uranium : le juste prix ?
La redevance constitue le principal versement d’Areva en contrepartie de l’exploitation d’uranium. La renégociation du régime de redevance portait donc l’espoir d’une rétribution plus juste. Pourtant, alors que le volume de production d’uranium au Niger a relativement peu varié, les versements de redevances ont fortement diminué. En 2013, la redevance versée par Areva pour l’exploitation de la mine d’uranium de la Somaïr – l’une des plus grandes au monde – était de plus de 15 millions d’euros. En 2015, elle n’atteignait même pas 11 millions d’euros, alors que le volume de production était équivalent.
Les données publiées par le groupe français mettent en lumière que la baisse de la redevance est en partie due à la diminution du prix d’enlèvement de l’uranium [le prix auquel Areva achète l’uranium à la mine], passant de plus de 110€ par kilo d’uranium à moins de 79€. Cette baisse du prix a fortement influencé la rentabilité des mines d’Areva. Or, c’est justement sur la rentabilité des mines que le taux de redevance est indexé. Cette baisse du prix n’est pas un aléa du destin, c’est le fruit de négociations entre Areva et le Niger, en parallèle des discussions portant sur le régime de redevance. Les négociations ont en effet entériné l’indexation du prix d’enlèvement de l’uranium sur des indices de marché aux prix très bas qui ne correspondent pas au modèle économique réel d’Areva. Si le prix n’avait pas été renégocié, le nouveau régime de redevance aurait permis au Niger de toucher une redevance de plus de 25 millions d’euros pour l’exploitation de l’uranium de la Somaïr, soit près de 15 millions d’euros de plus.
De l’uranium sous-évalué à l’export ?
En croisant les données publiées par Areva avec celles publiées par les douanes nigériennes, notre analyse a également mis en exergue que l’uranium exporté par Areva serait sous-évalué par rapport aux exportations d’uranium nigérien. En moyenne, une tonne d’uranium vendue par la branche d’Areva Niger à sa maison mère serait ainsi valorisée à moins de 79€, alors que le même uranium, provenant des mêmes mines, serait en moyenne exporté à plus de 90€ par les autres acteurs au Niger. Cette vente à un prix sous-évalué diminuerait les bénéfices de la branche nigérienne d’Areva, ce qui permettrait à l’entreprise française d’échapper à l’impôt sur les bénéfices nigérien. Correctement valorisées, les exportations d’uranium d’Areva auraient pu rapporter jusqu’à 30 millions d’euros d’impôts au Niger en 2015, soit 18% du budget de la santé, dans un pays où l’espérance de vie dépasse à peine 60 ans.
Notre analyse nous a permis de comprendre pourquoi le Niger demeure l’un des pays les plus pauvres du monde malgré son potentiel considérable pour générer des richesses substantielles à partir de l’extraction d’uranium. En utilisant les données obtenues grâce aux règles de déclaration obligatoires de l’Union européenne, nous avons également été en mesure de comprendre pourquoi, trois ans après la renégociation des contrats entre Areva et le Niger, la relation entre les deux acteurs semble toujours inégale. Il est évident que, au delà des asymétries de ressources en jeu au cours des négociations du contrat, il y avait aussi une asymétrie de pouvoir qui pourrait expliquer pourquoi un accord qui n’était manifestement pas mutuellement bénéfique a été signé.