Le lancement du premier rapport ITIE jamais publié en Ukraine en décembre 2015 a offert une occasion rêvée de revenir sur les progrès réalisés jusqu’alors et d’examiner les mesures encore nécessaires pour générer une transparence et une responsabilisation véritables dans les secteurs pétrolier, minier et gazier ukrainiens.
Ces derniers temps, l’Ukraine a souvent fait les unes des journaux pour des raisons négatives. Avec un conflit dans la partie orientale du pays et le ralentissement économique en cours, il n’y avait pas grand-chose de positif à dire. Néanmoins, les Ukrainiens et, en particulier la société civile, ne baissent pas les bras et ont continué de mener campagne pour une meilleure gestion des ressources naturelles exploitées en Ukraine. En dépit de nombreux défis, les acteurs de la société civile ont fourni des efforts importants en engageant les organes gouvernementaux et les sociétés d’extraction sur la nécessité d’améliorer la reddition de comptes dans les secteurs pétrolier, minier et gazier. Il n’est donc pas surprenant que la société civile soit devenue la force motrice de la mise en œuvre de l’Initiative de transparence des industries extractives (EITI), une initiative multipartite au niveau mondial à laquelle l’Ukraine a officiellement adhéré en 2013. Après avoir surmonté de nombreuses difficultés dans la collecte des données pertinentes, le tout premier rapport de rapprochement de l’ITIE – qui réunit ce que les sociétés extractives paient pour l’accès aux ressources naturelles et ce que différentes entités du gouvernement ukrainien reçoivent en échange – a été publié au début de décembre 2015. Ce premier rapport de l’ITIE marque la première fois que la population ukrainienne aura accès à des informations importantes sur l’exploitation du pétrole et du gaz dans son pays, ainsi que sur la façon dont le secteur contribue à l’économie ukrainienne et au budget de l’État.
Les données de 2013 dans la version publiée du rapport de l’ITIE montrent le montant que l’Ukraine a obtenu de la part de l’industrie du pétrole et du gaz cette année. Avec une production de 3 millions de mètres cubes de pétrole et de 21 millions de mètres cubes de gaz pour 2013, l’industrie a versé plus de 25 milliards d’UAH, ou un peu plus de 1 milliard de dollars, en impôts, ce qui est l’équivalent du budget ukrainien de la défense pour 2015. Les contributions directes du secteur de l’extraction de pétrole et de gaz au PIB de l’Ukraine s’élevaient à 1,3 %.
Le rapport poursuit en expliquant comment les régions ukrainiennes, appelées oblasts, peuvent également bénéficier de l’exploitation du pétrole et du gaz. Parmi les 17 taxes incluses dans le champ d’application du rapport de 2013, 7 étaient versées aux régions où l’extraction a lieu : Oblasts Ivano-Frankivsk, Lviv, Poltava, Sumy, Kharkiv. Pour les citoyens ukrainiens, et en particulier ceux qui vivent à proximité de sites d’extraction, c’est une première que de savoir combien d’argent est versé au budget local. Les bénéfices provenant des hydrocarbures n’adoptent pas uniquement la forme de contributions monétaires au budget de l’État, ils comprennent également la création de possibilités d’emploi. En 2013, 55 600 Ukrainiens étaient employés dans les secteurs du pétrole et du gaz du pays, ce qui représente la population moyenne d’une ville ukrainienne.
Plus important encore, ce rapport révèle le grand potentiel de l’industrie extractive pour l’Ukraine. Parmi les 410 champs qui étaient exploités commercialement en 2013, seuls 252 champs (61 %) généraient des recettes pour l’État. Les champs restants se répartissaient entre ceux à l’état d’exploration (108 champs – plus de 25 %) et ceux dont l’exploitation était suspendue (50 champs – 12 %). Cela signifie qu’avec assez d’investissements, le secteur des industries extractives pourrait rapidement devenir une force motrice de l’économie, tout en mettant un terme à la dépendance énergétique de l’Ukraine, à condition toutefois que le secteur soit bien géré. C’est là où réside le plus gros défi pour l’Ukraine. Surmonter les tensions avec la Russie semble être la première étape évidente vers la stabilité, mais ce n’est qu’une partie de la solution.
Les vieilles habitudes ont la vie dure et malgré le succès que représente la publication d’un premier rapport de l’ITIE, l’opacité prévaut dans le secteur. Le rapport de l’ITIE ne répond pas à de nombreuses exigences en matière de divulgation contenues dans la norme de l’ITIE. Aucune donnée n’a été compilée pour le secteur minier, par exemple, bien que l’intention est que le charbon en particulier soit éventuellement couvert les rapports ITIE. Seulement un tiers des 120 sociétés identifiées étaient prêtes à divulguer volontairement des informations sur leur exploitation. Seulement la moitié des entreprises publiques étaient disposées à communiquer leurs données au réconciliateur indépendant tandis que de nombreuses entités de l’État local refusaient tout simplement de coopérer. La méfiance et les tensions entre toutes les parties demeurent la norme dans l’industrie extractive.
C’est pourquoi la société civile en Ukraine ne peut pas compter uniquement sur un mécanisme de divulgation volontaire comme l’ITIE. La coalition PCQVP ukrainienne, avec le Dixi Group, un groupe de réflexion avec un accent particulier sur le secteur de l’énergie en Ukraine, a activement cherché à promouvoir la législation obligatoire et a été en mesure de décrocher quelques victoires notables à ce sujet en 2014 et 2015. En octobre 2014, la loi modifiant certaines lois relatives à l’identification des bénéficiaires ultimes d’entités juridiques et d’agents de la fonction publique a été adoptée. Elle exige des entreprises, y compris celles opérant dans le secteur des industries extractives, de divulguer leurs véritables propriétaires. Cela a été un immense pas en avant et cela a placé l’Ukraine dans une position de leadership dans la lutte contre les transactions opaques rendues possibles par des structures de propriété secrète.
« La divulgation des informations sur les propriétaires effectifs rendra le secteur non seulement plus transparent, mais également plus responsable. Le véritable propriétaire ne sera pas en mesure de se cacher, il pourra être contacté par des avocats et des journalistes, et comprendra sa responsabilité pour toute violation imputable à la société dans le pays. Lorsque l’entreprise a un visage concret, il est toujours plus facile de parler de règles du jeu équitables. En outre, vous ne réussirez jamais à démanteler des monopoles si vous ne savez pas qui sont les acteurs. Pour le secteur énergétique ukrainien, c’est l’un des objectifs les plus importants à l’heure actuelle, et nous attendons la divulgation de cette information. » – a déclaré Olena Pavlenko, Dixi Group.
Le fait que le Conseil international de l’ITIE, qui s’est réuni à Kiev les 9 et 10 décembre, a évoqué le fait de rendre obligatoire la divulgation de la propriété effective en vertu de la norme de l’ITIE n’était donc pas une coïncidence. Bien que d’importants aspects techniques, comme la date butoir de mise en place pour tous les pays de mise en œuvre de l’ITIE, restent à déterminer, le conseil de l’ITIE a fermement souligné la nécessité d’identifier les véritables propriétaires des sociétés qui soumissionnent pour, opèrent et investissent dans les secteurs pétrolier, minier et gazier.
En outre, la coalition PCQVP cherche actuellement à faire adopter la divulgation obligatoire des recettes extractives, en conformité avec les directives transparence et comptable adoptées en juin 2013. Un projet de loi a déjà été préparé en partenariat avec le ministère de l’Énergie et les ONG ukrainiennes. Il a été publié sur le site Web du ministère pour les Débats publics. « Nous nous attendons à ce que le projet de loi soit bientôt soumis au parlement bientôt, et nous travaillerons avec les parlementaires afin de l’adopter d’ici le milieu de 2016 » – a indiqué Olena Pavlenko.