La RSE dans le secteur pétrolier du Cameroun : Les questions du pouvoir et de responsabilité
Blogs et actualités
Le secteur pétrolier revêt une importance fondamentale pour le Cameroun dont l’économie dépend fortement des exportations. Dans son désir d’atteindre le statut de nation émergente en 2035, une intensification de l’extraction des ressources naturelles a été présentée comme un moyen de réduire la pauvreté et de favoriser la croissance économique. Pourtant, le manque de dialogue inclusif sert à faire taire les opposants potentiels et sape les possibilités de développement ainsi que le droit des populations isolées du sud à faire entendre leur voix.
Bien qu’étant l’un des plus petits producteurs de pétrole en Afrique subsaharienne, le secteur pétrolier camerounais contribue pour 40 % environ de ses recettes d’exportation, ce qui représente approximativement 1,5 milliard de dollars en revenus annuels. En outre, la part prélevée par le Cameroun sur les recettes pétrolières est plus élevée avec un taux de 66 % à comparer avec la moyenne de 50 % obtenue par la majorité des pays producteurs d’Afrique subsaharienne.
Alors que l’exploration et l’exploitation du potentiel des énergies non renouvelables atteignent leurs limites, des zones de biodiversité unique et importantes sur le plan écologique font face à des pressions croissantes. La réserve de Douala-Edea constitue l’une de ces zones. Elle est située dans la partie méridionale du pays qui est riche en ressources alors qu’elle abrite le lamantin ouest-africain qui est menacé d’extinction ainsi que l’un des plus importants réseaux de mangrove d’Afrique de l’Ouest. Créée en 1932, et d’une superficie de 160 000 hectares environ, la transition vers un statut de parc national de mise à niveau a été retardée depuis la découverte de pétrole et de gaz naturel, alors que cela permettrait de pleinement protéger cette région.
S’appuyant sur une étude de sept semaines entreprise au Cameroun et au Royaume-Uni, ce blog analyse les stratégies de Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE) de deux sociétés pétrolières actives au sein de la réserve de Douala-Edea et dans la zone maritime environnante, ainsi que les perspectives des parties prenantes.
Comme dans un film hollywoodien, un convoi de 4×4 arrive en empruntant une piste de terre qui traverse la réserve riche en ressources forestières. Peu de temps après, une personne utilise un mégaphone pour inviter « le peuple de Mouanko » à une réunion publique. Mais suite à un intérêt personnel initial se rapportant aux engagements des parties prenantes et à une RSE prétendument sincère, la réalité sous-jacente et les intérêts particuliers d’un tel dialogue sont devenus évidents.
Les personnes ayant participé à notre étude ont révélé que ces prétendues réunions publiques étaient en réalité loin d’être inclusives. Les participants ont souligné qu’il est difficile de mettre des sujets sur la table ainsi que les problèmes de compréhension des populations frappées par l’analphabétisme s’agissant du langage technique utilisé dans les études sur l’impact environnemental. Les participants ont même indiqué que les stylos distribués à l’école locale, les lits fournis à l’hôpital et les dons financiers au chef local représentaient des moyens de « les faire taire ».
En outre, la communauté a prouvé sa forte dépendance à l’égard des sociétés pétrolières actives dans la région en matière d’emplois et d’un développement plus vaste. Pourtant, cela a servi à marginaliser les débats portant sur des solutions au niveau gouvernemental, les relations entre les entreprises et la société, reléguant un peu plus les populations locales.
Néanmoins, il reste à déterminer si l’impact perçu d’une telle implication des parties prenantes qui représente un moyen de contrôle et de soumission est inextricablement lié à l’héritage post-indépendance du pays en matière de répression dissimulée.
L’expertise et les ressources importantes détenues par les entreprises du secteur privé sont indéniables. Pourtant, afin que les compagnies pétrolières, les populations locales et les zones d’une grande valeur écologique du sud du pays puissent retirer des bénéfices mutuels, un engagement collaboratif et coopératif portant sur les stratégies de RSE est nécessaire. Bien que cela puisse être trop ambitieux.