Arrêter l’hémorragie : ActionAid indique que le Malawi a perdu 43 millions de dollars de revenus potentiels du plus grand projet minier
Le Malawi aurait pu financer 431 000 traitements pour le VIH/sida ou les salaires annuels de 17 000 infirmières, 8 500 médecins ou 39 000 enseignants si les 43 millions de dollars de recettes potentielles n’avaient pas été perdus dans le cadre de son plus grand projet minier. C’est ce que rapporte l’étude récemment publiée d’ActionAid : une affaire extractive : Comment les arrangements fiscaux d’une société minière australienne coûtent des millions au pays le plus pauvre au monde.
Le gouvernement du Malawi et Paladin Energy ont négocié un accord de développement minier avant le début des opérations en 2009 pour la mine d’uranium Kayelekera qui est gérée par Paladin Africa, sa filiale dans laquelle le gouvernement détient une participation de 15 %. Un certain nombre d’allégements fiscaux discrétionnaires ont été accordés à Paladin, y compris une baisse du taux de redevance. Le taux de redevance au Malawi représente habituellement 5 % des ventes, mais il a été abaissé à 1,5 % pour Paladin durant les trois premières années puis à 3 % par la suite. Selon ActionAid, le Malawi a perdu 15,635 millions de dollars à la suite de cette transaction.
En plus de cela, l’étude affirme que le Malawi a perdu 27,5 millions de dollars en retenues d’impôt entre 2009 et 2014. Cela s’explique par le fait que Paladin n’a pas eu à payer l’habituelle retenue d’impôt de 15 % sur les paiements d’intérêts et les frais de gestion transmis par la société à sa filiale aux Pays-Bas, en raison de la convention de double imposition conclue entre le Malawi et les Pays-Bas. Le rapport suggère que la filiale néerlandaise a été créée afin d’éviter de payer l’impôt de retenue au Malawi puisqu’elle ne compte aucun employé et que l’argent a ensuite été envoyé en Australie. Paladin Africa est tenue de payer des intérêts importants parce que cette filiale du Malawi a été financée par un prêt intraentreprise (80 % de son capital total).
En réaction à ces conclusions, Paladin Energy a expliqué que si le taux de redevance de 5 % avait été appliqué, la mine n’aurait pas été mise en exploitation. Dans une telle situation, John Borshoff, directeur général de Paladin Energy, affirme que le Malawi n’aurait pas perçu d’impôts, de redevances ou d’avantages indirects découlant de l’exploitation minière. Entre avril 2009 et 2014, Paladin Africa a payé près de 10,5 millions de dollars en redevances au gouvernement et plus de 38 millions de dollars en salaires, retenues d’impôt et taxes de non-résidence.
Paladin Energy a également répété que le fait de créer une filiale aux Pays-Bas fut motivé par une « considération commerciale » et que celle-ci n’était pas assujettie à la retenue d’impôt comme « une conséquence directe de l’application de l’accord de double imposition entre le Malawi et les Pays-Bas ».
Ces allégements fiscaux et l’optimisation fiscale font que le Malawi a moins d’argent pour financer des services publics essentiels et ses plans de développement, selon ActionAid, qui recommande que « veiller à ce que les multinationales opérant localement paient leur juste part d’impôt devrait être une priorité pour tous les gouvernements des pays en développement ». L’étude conclut aussi au besoin d’un meilleur contrôle public et parlementaire sur les incitations fiscales et les conventions fiscales que le Malawi peut proposer et conclure. Cependant, le Malawi ne porte pas seul cette responsabilité.
Le système fiscal international qui facilite d’importants flux financiers illicites (FFI), non seulement du Malawi, mais également du reste du continent, a été placé sous le feu des projecteurs au cours de cette année. En janvier, Thabo Mbeki, ancien président de l’Afrique du Sud et président de l’Union africaine, ainsi que le groupe de haut niveau de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique travaillant sur les FFI en provenance d’Afrique ont publié un rapport indiquant que le continent avait perdu environ 1 000 milliards de dollars entre 1988 et 2008 grâce aux FFI. L’effet multiplicateur de ces pertes est encore plus important – perte de revenu décent, des services publics et des infrastructures. Le rapport pointe principalement du doigt les multinationales, en particulier celles des secteurs africains du pétrole, du gaz et des industries minières, qui sont en mesure de minimiser ses impôts légalement.
Dans le cadre d’une réponse citoyenne à cette perte dommageable, six OSC panafricaines ont lancé la campagne « Arrêter l’hémorragie » Afrique FFI pour demander aux gouvernements africains de lutter contre cette injustice fiscale, y compris en menant des actions de lobbying pour mettre fin aux exonérations fiscales et aux avantages injustes offerts aux grandes entreprises, pour créer un organisme international chargé de lutter sur ce point, et pour traiter les questions des falsifications de prix, des prix de transfert, de l’érosion de l’assiette fiscale et des transferts de profits.