Elimination progressive et équitable des combustibles fossiles : histoires africaines
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La transition vers des énergies plus propres et plus sûres est en cours dans le monde entier. Pour avoir une chance de limiter le réchauffement climatique, le monde doit cesser de dépendre des combustibles fossiles. L’abandon du pétrole et du gaz doit se faire de manière juste et équitable, et les pays qui portent la responsabilité historique de la crise climatique doivent agir en premier et le plus rapidement possible.
Qu’est-ce que cela signifie pour nous, en Afrique ? Bien que de nombreux pays africains soient signataires de l’Accord de Paris sur le climat et qu’ils aient élaboré des stratégies et des plans nationaux de transition énergétique, la transition vers les énergies propres ne progresse guère en Afrique subsaharienne. Il est vrai que nos pays sont responsables d’une très faible part des émissions mondiales de CO2. Cela signifie-t-il que nous devrions continuer à extraire du pétrole et du gaz comme nous le faisons actuellement ? Si nous le faisons, cela sera-t-il juste pour nos populations ?
Échapper au piège du pétrole et du gaz avant qu’il ne soit trop tard
L’extraction du pétrole et du gaz a un impact massif sur nos terres et nos populations, comme l’illustrent la pollution désastreuse et les niveaux de pauvreté dans le delta du Niger. L’énorme oléoduc d’Afrique de l’Est (EACOP), qui relie l’Ouganda à la Tanzanie, menace les moyens de subsistance de milliers de personnes, tandis que les contrats clés qui les régissent restent opaques.
La triste réalité est que, dans de nombreux cas, le pétrole et le gaz n’ont pas contribué à nous sortir de la pauvreté. Des pays comme le mien, le Nigeria, dépendent fortement du secteur des combustibles fossiles : selon Carbon Tracker, le pétrole et le gaz fournissent 80 % des recettes publiques. Pourtant, la Banque mondiale estime que près de 40 % des Nigérian·ne·s vivent en dessous du seuil de pauvreté, ce qui en fait la deuxième population la plus pauvre au monde. L’énergie est rare et chère. Des générations de Nigérian·ne·s sont nées et sont mortes sans avoir vu comment une ampoule électrique éclaire une pièce.
Et la situation ne va pas s’améliorer. Les projections de revenus pétroliers et gaziers pour les décennies à venir montrent que nous avons beaucoup à perdre. De nombreux gouvernements se sont engagés à réduire à zéro les émissions nettes d’ici le milieu du siècle. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que si ces pays tiennent leurs promesses, la consommation mondiale de pétrole diminuera de 45 % d’ici à 2050 par rapport aux niveaux actuels. Si les gouvernements vont plus loin et atteignent l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement à 1,5 °C, la consommation de pétrole chuterait de 78 % d’ici à 2050. Pour les sociétés qui dépendent du pétrole et du gaz, cela pourrait porter un coup fatal.
Le pétrole et le gaz piègent également nos pays dans l’endettement. La construction et l’exploitation d’infrastructures d’extraction nécessitent d’énormes investissements que les grands bailleurs de fonds étrangers fournissent sous forme de prêts. Les pays africains finissent par devoir rembourser leur dette pendant des décennies, au lieu d’investir dans leurs systèmes sociaux, de santé et d’éducation. Le Fonds monétaire international signale que les découvertes géantes de pétrole et de gaz ont tendance à entraîner une augmentation permanente de la dette publique et souvent des épisodes de surendettement. Certains pays d’Afrique commencent tout juste leur parcours extractif, investissant des sommes colossales – et générant davantage de dette – pour commencer à produire des combustibles fossiles. C’est le cas du Sénégal, qui a découvert d’importantes réserves de pétrole et de gaz offshore il y a quelques années, et qui a commencé à les extraire cet été. Est-il juste pour les Sénégalais·e·s de plonger financièrement dans un horizon aussi incertain ?
Nous avons besoin d’un plan B. Mais un plan équitable.
Nous avons certainement besoin d’un plan B. Nous ne pouvons pas continuer à creuser jusqu’à ce que nous soyons à court de combustibles fossiles, en nous enfermant dans l’incertitude économique et l’endettement, ainsi que dans la pollution, la corruption et tous les aspects négatifs de l’extraction du pétrole et du gaz.
Mais nous avons un peu de temps devant nous. Ne vous méprenez pas : la planète ne peut pas attendre. Les communautés de première ligne, y compris en Afrique, sont chaque année plus durement touchées. Les grands pays et entreprises occidentaux pollueurs doivent agir en premier, et rapidement. Cependant, une élimination progressive et équitable des combustibles fossiles signifie que le calendrier est différent pour chaque pays. Selon le Civil Society Equity Review, la date limite à laquelle les pays doivent éliminer progressivement les combustibles fossiles dépend du degré de dépendance de leur économie à l’égard du pétrole et du gaz, et de la facilité avec laquelle il sera possible de passer à d’autres solutions économiques.
Cela nous donne l’occasion d’exploiter l’énorme potentiel de notre continent en matière d’énergie renouvelable. Nous disposons de ressources solaire, éolienne et hydraulique. C’est une question de choix. Pour nos gouvernements, qui doivent penser au long terme et investir dans les bons espaces. Pour les bailleurs de fonds étrangers, qui doivent fournir un financement et un soutien suffisants pour gérer le changement – et le récent accord financier de la COP29 de fournir 300 millions dollars US par an en finance climatique est bien en deçà de ce dont nous avons besoin. Au niveau régional, les pays africains pourraient collaborer à la mise en place de systèmes énergétiques plus résistants et plus durables afin d’aider les 600 millions d’Africains qui n’y ont toujours pas accès à disposer d’une électricité propre.
Le réseau PCQVP a des histoires à raconter. Un travail difficile, mais très inspirant, est en cours dans plusieurs pays africains pour s’assurer que la transition de l’ère du pétrole et du gaz soit juste et ne laisse personne de côté. Jetez un coup d’œil à ces cas de Tanzanie, du Ghana et du Nigeria qui montrent qu’ensemble, nous pouvons faire beaucoup, même dans les contextes les plus difficiles, pour un abandon progressif juste et équitable des combustibles fossiles.