Cette opinion est parue dans Business Day le 19 septembre 2024.
Le passé doit nous servir d’exemple : les ressources ne sont pas synonymes de prospérité. L’Afrique fournit depuis longtemps des matières premières, avec le cacao, l’or, les diamants, le pétrole et aujourd’hui les minerais critiques. Pendant ce temps, d’autres récoltent les fruits de la fabrication et de l’innovation.
Avec de riches réserves de minerais de transition comme le cuivre, le lithium, le cobalt et le nickel, l’Afrique dispose des ressources nécessaires pour favoriser des technologies énergétiques propres et réduire la pauvreté énergétique. Ces ressources sont essentielles aux batteries, aux panneaux solaires et aux véhicules électriques, piliers de la transition énergétique mondiale. Mais sans action décisive, l’Afrique risque encore une fois de perdre ses matières premières pendant que d’autres tireront les bénéfices des secteurs à valeur ajoutée qu’elles permettent de développer.
Actuellement, l’Afrique dispose de 40 % des réserves mondiales de ces minerais de transition. La République démocratique du Congo (RDC) détient à elle seule 60 % des réserves de cobalt, qui est essentiel pour les batteries des véhicules électriques. Cependant, malgré cette abondance, l’Afrique profite peu des bénéfices économiques générés par l’exploitation de ces ressources. La plupart de nos minerais sont exportés brut (57 % en Chine uniquement) et la valeur est ajoutée à l’étranger.
Cette semaine, Publiez Ce Que Vous Payez a publié une nouvelle modélisation économique qui montre que les pays africains pourraient générer 24 milliards de dollars par an de PIB et créer 2,3 millions d’emplois s’ils investissaient beaucoup plus dans la transformation de ces minerais sur le continent. Au lieu de simplement fournir des matières premières, l’Afrique pourrait devenir un centre mondial pour l’innovation énergétique propre, et en récolter les fruits.
Pour éviter de retomber dans le même piège, l’Afrique doit prendre le contrôle de ses propres chaînes d’approvisionnement. L’occasion est là, mais nous devons agir vite. Si l’Afrique bâtit des industries capables de transformer ces minerais localement, elle peut récupérer une plus grande partie de la valeur qui part habituellement à l’étranger. Il ne s’agit pas simplement d’extraire des ressources, il s’agit de souveraineté économique et de création d’industries qui peuvent doper le développement de l’Afrique.
Il s’agit aussi de garantir à notre population un accès juste à l’énergie. En Afrique, 600 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité. Les minerais nécessaires à la construction de systèmes énergétiques renouvelables se trouvent sous nos pieds, mais au lieu de bâtir des infrastructures ici, nous les exportons et laissons d’autres pays les exploiter. Cette situation doit changer.
Pour ce faire, les dirigeant·e·s africain·e·s doivent travailler ensemble. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) est cruciale et peut aider les nations africaines à commercer plus facilement les unes avec les autres, surtout dans le secteur des minerais. Actuellement, les pays d’Afrique perdent une belle occasion de faire des affaires ensemble puisque seuls 2 % du commerce des minerais restent en Afrique. La ZLECAf peut nous aider à construire des chaînes de valeur régionales, à réduire la dépendance aux marchés externes et à favoriser les industries locales.
De plus, la stratégie des minerais verts de l’Union africaine, qui est toujours en cours d’élaboration, pourrait fournir une feuille de route indispensable à l’intégration régionale. Les dirigeant·e·s africain·e·s doivent s’engager à mener à bien cette stratégie et à garantir que la grande richesse en minerais de l’Afrique bénéficie aux Africain·e·s, et pas seulement aux marchés mondiaux.
Nous pouvons aussi mieux faire les choses. En Afrique, l’exploitation minière est depuis longtemps synonyme de dégradations de l’environnement, de déplacement des communautés et de violations des droits humains. Cette fois, nous devons agir différemment. Bien qu’ils soient essentiels pour l’avenir vert de notre planète, les minerais de transition ne peuvent être exploités aux dépens des communautés et écosystèmes du continent.
La demande mondiale en minerais de transition ne va faire que se renforcer et les pays riches se positionnent déjà pour sécuriser ces ressources à leur profit. Les États-Unis offrent des avantages fiscaux aux entreprises qui transforment les minerais dans le pays, et l’UE vise le traitement de 40 % de ses minerais critiques à l’intérieur de ses frontières d’ici 2030. Si l’Afrique n’agit pas, nous nous retrouverons à nouveau privé·e·s des segments les plus rentables de la chaîne de valeur.
Mais l’Afrique a l’occasion de changer les choses. Nous disposons des ressources, du talent et de la volonté pour mettre au point des industries qui bénéficient d’abord à nos populations. Coopération, investissement, bonne gouvernance et politiques fortes sont essentiels. L’Afrique doit prendre le contrôle de son avenir et s’assurer que nos nombreux minerais se transforment en emplois, en croissance économique et en sécurité énergétique.
C’est la chance de l’Afrique. Le monde a besoin de nos minerais, mais nous devons décider à quoi ils serviront. Vont-ils aider d’autres pays à prospérer, ou vont-ils permettre de bâtir un avenir meilleur pour l’Afrique ?