L’Afrique doit pouvoir bénéficier des ses minerais de transition

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Cette tribune a été publiée en anglais dans Climate Home News le 21 mai 2024.

Alors que le monde se précipite pour exploiter les minerais africains nécessaires à la lutte contre le changement climatique, les  dirigeant·e·s africain·e·s doivent veiller à ce que leurs richesses naturelles soient enfin le moteur du développement de leur continent. Par Adam Anthony.

Pendant trop longtemps, l’Afrique a fourni les matières premières qui ont alimenté le développement d’autres pays alors que les Africain·e·s restent enfermé·e·s dans un cycle de pauvreté sans fin. 

Avant même que les puissances coloniales se précipitent pour exploiter nos richesses naturelles lors du partage de l’Afrique au XIXe siècle, notre caoutchouc, nos diamants, notre or, notre ivoire, notre huile de palme et d’autres ressources que nous possédons en abondance étaient exportées vers d’autres pays pour être transformées en marchandises. 

Aujourd’hui, ce schéma préjudiciable reste intact, la richesse continuant à s’échapper de l’Afrique de cette manière.

Pour ne prendre qu’un exemple choquant : en Afrique, 600 millions de personnes – 53% de la population de la région – n’ont toujours pas accès à l’électricité alors que notre continent possède les minerais nécessaires pour construire sa propre infrastructure énergétique.

Aujourd’hui, une nouvelle ruée vers l’Afrique a commencé. Cette fois, elle concerne les minerais africains qui seront cruciaux pour que le monde ait une chance d’enrayer le chaos climatique.

Notre continent recèle de vastes quantités de minerais de transition – tels que le cobalt, le lithium et le nickel – qui sont utilisés pour aider à produire, transporter, stocker et utiliser l’électricité produite par des sources plus propres telles que le vent et le soleil, et qui sont une condition préalable à un avenir énergétique propre. Cela inclut mon propre pays, la Tanzanie, qui possède d’énormes réserves de nickel, un ingrédient clé des batteries lithium-ion, qui alimentent tout, des téléphones portables aux véhicules électriques.

Alors que le monde se précipite pour s’approprier ces matériaux précieux, les Africain·e·s doivent rompre avec le passé. 

La richesse générée par ces minerais doit stimuler le développement de l’Afrique : donner à nos citoyen·ne·s les routes, les hôpitaux, les écoles, l’électricité et d’autres services de base dont tant d’entre eux·elles ont désespérément besoin.

De « nouveaux » partenariats ?

De nombreux exploitants historiques de l’Afrique font partie des puissances occidentales qui se précipitent aujourd’hui pour s’approprier les minerais de transition.

Le « Partenariat pour la sécurité des minerais » (Minerals Security Partnership) dirigé par les États-Unis, qui comprend l’Union européenne et d’autres économies les plus puissantes du bloc de l’OCDE, se positionne dans les pays africains riches en ressources. 

Parallèlement, l’UE est censée redéfinir ses liens avec l’Afrique et d’autres nations riches en minerais par le biais de « partenariats stratégiques« . 

Toutes ces initiatives s’engagent à « apporter des avantages économiques aux communautés locales« , en permettant aux pays partenaires de « renforcer la chaîne de valeur« , mais elles enveloppent effectivement le continent sous de multiples angles dans une poussée concertée pour les ressources.

Et ce n’est un secret pour personne que les exportations de minerais sont régies par des politiques commerciales internationales établies, influencées et dominées par les puissances occidentales, ce qui leur permet d’accéder aux ressources africaines à un bon prix.

Dans ce domaine, la question reste ouverte de savoir si ces partenariats ouvriront la voie à un véritable développement ou s’ils ne feront que servir des intérêts étrangers, comme cela a souvent été le cas par le passé. 

En d’autres termes, seront-ils simplement un moyen de poursuivre le “business as usual” – en maintenant l’Afrique prisonnière de l' »extractivisme » – ou offriront-ils à l’Afrique une voie vers l’autodétermination ?

Remettre en cause le statu quo

Le Forum de l’OCDE sur les chaînes d’approvisionnement responsables en minerais, qui se tient à Paris du 21 au 23 mai 2024, est une occasion cruciale pour les dirigeant·e·s africain·e·s d’affirmer leur vision d’une nouvelle ère de gestion des ressources minières.

Cet événement reste un forum dominé par les représentant·e·s et les priorités des régions consommatrices de minerais, mais nous devons nous faire entendre. 

Nous ne pouvons plus attendre. Les dirigeant·e·s africain·e·s doivent remettre en question le statu quo et plaider en faveur d’accords et de politiques commerciales qui renforcent les nations productrices.

Ils·elles peuvent insister pour que les sociétés minières respectent les droits des communautés autochtones et locales les plus touchées par l’exploitation minière. Des peuples dont le mode de vie protège des écosystèmes inestimables, essentiels pour prévenir le changement climatique, la perte de biodiversité et le risque que de futures pandémies émergent de paysages déboisés. 

Les règles du libre-échange favorisent les régions déjà industrialisées. C’est un fait. L’un des moyens d’y remédier est de créer un réseau d’accords commerciaux préférentiels entre les pays africains. Cela leur permettrait d’accéder aux minerais de transition de leurs voisins à des prix plus bas, afin de les aider à mettre au point leurs propres technologies énergétiques propres.

L’Union africaine, la Communauté de développement de l’Afrique australe et d’autres blocs régionaux pourraient jouer un rôle central dans ce processus, en promouvant le commerce intra-régional et la cohésion économique.

La société civile africaine travaille au-delà des frontières pour s’assurer que les accords signés par les gouvernements africains avec les régions consommatrices reflètent les intérêts collectifs du continent. Mais nous ne pouvons pas le faire seul·e·s.

Nous devons nous unir à nos dirigeant·e·s autour d’une vision juste pour nos minerais. Ce n’est qu’à cette condition que le continent pourra véritablement en bénéficier et tourner la page d’une histoire d’exploitation et de sous-développement.

 

Adam Anthony est le directeur exécutif de l’ONG tanzanienne HakiRasilimali, œuvrant pour la transparence, la redevabilité et les droits humains dans le secteur extractif. Il est également le président du Comité de pilotage Afrique de Publiez Ce Que Vous Payez, le mouvement global pour une transition énergétique juste. 

 

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