La prochaine frontière de la transparence – Pourquoi la société civile doit-elle se concentrer sur les l’approvisionnement de l’industrie extractive ?
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Le chemin parcouru par le mouvement mondial pour la transparence dans les industries extractives est assez remarquable. L’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) compte désormais cinquante-cinq pays membres, et la société civile a réussi à faire pression sur les gouvernements du Royaume-Uni, de l’Europe et du Canada pour qu’ils adoptent des lois obligeant les sociétés minières, pétrolières et gazières qui y ont leur siège à déclarer les paiements de revenus effectués aux gouvernements de tous les pays où elles opèrent.
En ce qui concerne l’exploitation minière, de nombreuses organisations de la société civile peuvent être surprises par le fait qu’en termes de dollars dépensés, dans pratiquement tous les cas, un site minier dépense beaucoup plus d’argent dans les pays d’accueil pour l’achat de biens et de services que pour les taxes.
Figure 1: Distribution des revenus bruts générés par les industries extractives, cumulés de 2000 à 2017 estimée par l’Institut de Gouvernance des Ressources Naturelles (NRGI), Beneath the Surface: The Case for Oversight of Extractive Industry Suppliers, p. 5
L’Institut de Gouvernance des Ressources Naturelles (NRGI) estime que 45 % de tous les revenus dépensés par les sociétés minières vont aux fournisseurs dans le monde. Si l’on considère les dépenses effectuées par les sociétés minières au niveau pays, ce chiffre augmente encore plus. Par exemple, le Conseil Mondial de l’Or (World Gold Council) a constaté qu’en 2013, parmi ses sociétés membres, 71 % de tous les paiements effectués dans le pays étaient destinés aux fournisseurs.
Dans la production de pétrole et de gaz, les gouvernements prennent une part plus importante des revenus globaux dépensés par les sociétés productrices, mais étant donné que l’échelle de l’activité globale est tellement plus élevée, ces 26% allant aux fournisseurs représentent des dépenses beaucoup plus importantes en dollars. Dans l’ensemble, NRGI a estimé que près de mille milliards de dollars chaque année ont été dépensés par les entreprises minières, pétrolières et gazières au profit des fournisseurs de 2018 à 2017.
Dans le secteur minier, qui fait l’objet de notre attention dans le cadre de l’initiative « Mining Shared Value », un site minier typique à grande échelle peut dépenser des centaines de millions de dollars (US) chaque année pour tous les intrants dont il a besoin.
Toutes ces dépenses d’approvisionnement en biens et services ne seront pas consacrées à des biens fabriqués localement ou à des services fournis par des entreprises détenues et gérées localement. Cependant, avec des centaines de millions dépensés chaque année, cela montre que même de petits changements dans les dépenses d’approvisionnement peuvent faire en sorte que des millions de dollars restent plus près du site de la mine.
Les dépenses d’approvisionnement des sociétés minières sont donc une occasion importante pour les pays abritant les industries de tirer des avantages économiques et sociaux significatifs de l’activité minière – si elles sont bien gérées.
À l’inverse, si ces dépenses considérables peuvent favoriser une croissance économique significative et le développement des compétences, l’approvisionnement des entreprises de l’industrie extractive peut également représenter un risque majeur de corruption et d’autres pratiques problématiques. Les entreprises peuvent soudoyer les sociétés de l’industrie extractive pour obtenir des contrats, par exemple, ou une société minière peut utiliser l’approvisionnemt comme un moyen de verser des pots-de-vin à des fonctionnaires.
Pour une très bonne illustration de ce risque, on peut examiner le scandale de l’Operação Lava Jato (Opération Lavage de Voiture) au Brésil. Dans ce scandale, des cadres de la compagnie pétrolière publique Petrobras auraient accepté des pots-de-vin de la part d’entreprises et, en échange, auraient attribué des contrats aux entreprises de construction ayant fourni de l’argent liquide, à des prix gonflés.
Dans Beneath the Surface : The Case for Oversight of Extractive Industry Suppliers, NRGI a examiné plus de 40 cas de corruption dans l’industrie extractive, et a trouvé des exemples où les fournisseurs étaient des acteurs des abus dans au moins vingt-neuf pays sur les cinq continents.
Ce potentiel d’avantages économiques importants provenant de l’approvisionnement de l’industrie extractive, et en même temps ce risque majeur de corruption, signifie que nous avons besoin de plus de transparence dans la façon dont les entreprises minières, pétrolières et gazières se procurent des biens et des services.
C’est pourquoi, en 2017, avec nos partenaires de la GIZ, nous avons lancé le Mécanisme de Reporting sur l’Approvisionnement Local dans le secteur minier (MRAL, ou Local Procurement Reporting Mechanism, LPRM en anglais), qui est un ensemble de divulgations visant à augmenter et à standardiser la manière dont les sites miniers rendent compte de leurs politiques d’achat, de leurs processus et, en fin de compte, du montant des dépenses effectuées auprès des fournisseurs du pays d’accueil.
Depuis octobre 2021, neuf sociétés minières utilisent le LPRM et rendent compte de leurs activités sur vingt-trois sites répartis dans treize pays.
Bien qu’elles soient destinées au secteur minier, les divulgations sont pour la plupart également applicables au secteur pétrolier et gazier. En fait, l’ITIE au Sénégal utilise déjà plusieurs des divulgations du LPRM dans ses demandes d’informations aux entreprises pétrolières et gazières, en plus de celles du secteur minier.
Aujourd’hui, nous travaillons avec des organisations de la société civile du monde entier pour les aider à comprendre les enjeux importants de l’approvisionnement local dans le secteur minier, et comment ils peuvent faire pression pour plus de transparence.
En partenariat avec Publiez Ce Que Vous Payez, et avec le soutien d’OSIWA, nous avons été ravis de lancer récemment « Promouvoir les liens en amont et la transparence : Guide de la société civile sur le Mécanisme de Reporting sur l’Approvisionnement Local dans le secteur minier ».