Cathy Turner, la nouvelle directrice de PCQVP responsable du plaidoyer et de l’apprentissage, a rencontré Gulnara Isbasarova, militante de PCQVP au Kirghizstan. Cathy a été inspirée par ses victoires, sa motivation et ses suggestions pour renforcer le rôle des femmes dans notre mouvement.
La province de Talas, région montagneuse du Kirghizstan, s’enorgueillit de sa longue tradition pastorale qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Dans cette région, située à une demi-journée de route de Bichkek, séparée de la capitale par une chaîne de montagnes et près de la frontière avec le Kazakhstan, le temps semble suspendu. Cependant, la province possède également quelques mines d’or et de cuivre, entraînant dans leur sillage les préoccupations environnementales habituelles.
C’est justement à la lutte contre ces préoccupations que se consacre Gulnara Isbasarova en tant que militante de PCQVP. Après avoir rejoint il y a seulement quelques mois le secrétariat de PCQVP en tant que directrice du plaidoyer et de l’apprentissage, j’ai eu le privilège de rencontrer Gulnara et de l’entendre relater sa remarquable expérience. Seulement quelques mois, mais quels mois bien remplis ! J’intègre le mouvement alors qu’il vit une période stimulante, puisque nous discutons actuellement de la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de PCQVP, la Vision 2025. Dès mon arrivée, j’ai eu l’opportunité de rencontrer des membres de PCQVP lors de consultations régionales en Côte d’Ivoire, en Ouganda et au Kirghizstan.
Plusieurs choses m’ont frappée dans ce court laps de temps. L’une d’elles est l’ampleur du mouvement. À ma connaissance, aucun autre mouvement n’unit un tel nombre de militants dévoués, dans autant d’endroits, luttant pour une même cause, à savoir que chacun profite de ses ressources naturelles, aujourd’hui et demain.
Une autre chose m’a frappée : le nombre considérable de femmes remarquables rencontrées en si peu de temps qui jouent un rôle crucial dans le mouvement PCQVP, luttant pour une transparence et redevabilité accrues des industries extractives dans leurs pays et leurs communautés. Cela ne devrait pas être surprenant : les femmes devraient être en première ligne de tels mouvements. Malheureusement, ce n’est souvent pas le cas.
De ce fait, j’étais particulièrement heureuse de rencontrer Gulnara Isbasarova suite à la troisième consultation régionale à laquelle j’ai participé, qui a eu lieu sur les bords du lac Issyk-Koul dans les montagnes kirghizes. Je souhaitais en savoir plus sur son activité militante. Je me suis rendue chez elle à Talas, en compagnie du coordinateur régional de PCQVP pour l’Eurasie, Emil Omarov, et de Nazik Imanbekova, la fille de Gulnara, qui commence elle-même à s’impliquer en tant que militante. Nous y avons rencontré les dirigeants et les habitants d’une municipalité, qui regroupe quatre « villages », d’une population totale d’environ 66 000 personnes.
Gulnara se bat pour que les communautés puissent faire des choix plus informés.
C’est dans ce magnifique paysage montagneux que les habitants ont fièrement préservé leur style de vie pastoral, cohabitant parfois difficilement avec les activités en expansion d’exploitation minière d’or et de cuivre, et les préoccupations environnementales qu’elle entraîne dans son sillage. Les représentants locaux que nous avons rencontrés étaient particulièrement préoccupés par les impacts probables sur l’environnement et la santé du projet de Geolodobicha, une société minière russe. La société souhaite installer ses activités de gestion des résidus miniers à seulement 1,5 kilomètre du village le plus proche. En effet, la route menant aux installations d’eaux usées est si proche qu’elle se voit du village.
Gulnara fait partie du mouvement PCQVP depuis maintenant 15 ans. Pédagogue et économiste de formation, sans expérience préalable dans l’industrie minière, elle a commencé à s’impliquer parce que le lancement de l’exploitation minière dans sa communauté était si controversé qu’il risquait de provoquer un violent conflit. Cette région vivait une période instable. La question de l’exploitation minière ne faisait que renforcer les déchirements entre les villages locaux, et même les familles. Certains habitants étaient en faveur des sociétés minières, promettant la création d’emplois dont la localité avait grandement besoin, tandis que d’autres y étaient ouvertement hostiles, craignant une dégradation des sols, de l’approvisionnement local en eau provenant directement des sources de montagne, et ultérieurement de leur mode de vie.
Gulnara souhaitait contribuer de manière positive.
Elle connaissait Kalia Moldogazieva, une autre grande militante et membre fondatrice de PCQVP au Kirghizstan. Au fil du temps, elles ont réussi à organiser, comme la loi le prévoit, une évaluation indépendante des impacts environnementaux de l’exploitation minière sur les environs. Elles ont également rassemblé les populations locales lors de consultations publiques avec Andash, la société minière, ainsi que des députés. Enfin, grâce à l’étude environnementale et au plaidoyer continu aux niveaux local et national de Gulnara et des autres militants, le Comité national pour l’industrie, l’énergie et le sous-sol a suspendu le permis d’exploitation des mines d’or de la société minière, qui a fini par être annulé en 2017.
Il s’agissait là d’un succès retentissant pour Gulnara et la communauté. Cependant, le résultat escompté varie bien évidemment selon les communautés. Certaines, comme les habitants que nous avons rencontrés, sont plus hésitantes et ne veulent pas risquer le départ des sociétés minières, et avec elles les emplois et l’aide sociale dont les populations locales dépendent. Ces communautés veulent seulement que les sociétés minières les informent mieux et les consultent, et que les activités de ces dernières soient surveillées. D’autres s’opposent purement et simplement à tout ce qui serait susceptible d’effrayer les sociétés minières.
Dans tous les cas, Gulnara se bat pour que les communautés puissent faire des choix plus informés.
Cependant, son succès lui coûte cher. Comme c’est le cas de nombreux militants du mouvement, ses activités militantes exigent des sacrifices personnels, non seulement en termes financiers, mais avant tout, en termes de vie familiale. De plus, son succès ne fait pas que des heureux. Elle fait en effet l’objet de menaces.
Loin d’être ébranlée, elle déborde d’idées et de recommandations pour accroître l’efficacité des progrès réalisés. Elle souhaite la mise en place de modules de formation et de boîtes à outils pour le plaidoyer, et le renforcement des capacités des populations locales à acquérir une expertise technique. Elle est également soucieuse d’impliquer plus les femmes, d’autant plus que, comme elle l’a elle-même démontré, les femmes peuvent jouer un rôle décisif d’influence sur leurs familles et leurs communautés. Elle souhaite également encourager les jeunes femmes et les jeunes filles à connaître les femmes ayant plus d’expérience dans le mouvement et leur exemple de réussite pour les inspirer à être elles-mêmes des actrices du changement.
Gulnara, j’espère que votre expérience, et celle de beaucoup d’autres comme vous, encouragera non seulement les jeunes femmes, mais également beaucoup d’autres personnes à s’impliquer dans la concrétisation de la Vision 2025, afin que les citoyens du monde entier puissent profiter équitablement de leurs ressources.