Parmi mes trois années de participation aux réunions du conseil de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE), cette dernière rencontre en Ukraine fut de loin la plus ambitieuse, collégiale et productive.
Des collègues de la société civile, des gouvernements et des entreprises extractives ont tous travaillé ensemble jusque tard dans la nuit. Leur engagement commun envers les valeurs de l’ITIE et une norme ITIE plus ambitieuse était clair.
L’ordre du jour mondial pour la transparence doit s’adapter à un contexte changeant. Je suis heureuse d’annoncer que le conseil a pris des mesures audacieuses dans cette direction en mettant la norme à jour. Ce résultat fait honneur à l’esprit de collaboration, et à tous ceux concernés. Encore une fois, cela montre que les années de travail accomplies sur le terrain par la société civile portent leurs fruits. Chaque préoccupation de la communauté, chaque voix qui renforce le mouvement Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) ont le potentiel d’influencer les politiques mondiales et de rendre plus transparentes les industries qui génèrent des trillions de dollars.
Pendant des années, les membres de PCQVP ont appelé à ce que la norme ITIE comprenne plusieurs mesures de transparence majeures, y compris la divulgation des contrats pétroliers et gaziers et des permis d’exploitation minière. La norme révisée exige que les gouvernements publient tout contrat signé (ou modifié) à partir de janvier 2021. Cela s’appuie sur l’encouragement de l’ITIE à divulguer tous les contrats et licences, peu importe la date de leur signature et les pratiques en cours.
Les rapports sur l’environnement commenceront également à figurer dans la norme, ce qui constitue une autre victoire. C’était un autre appel majeur et de longue date des membres PCQVP. Jusqu’alors, les exigences relatives à l’environnement passaient largement inaperçues – une absence considérable dans le combat pour la redevabilité de l’industrie extractive.
Ces révisions apportées à la norme ITIE sont des réalisations importantes. Elles ont le potentiel d’améliorer considérablement la transparence mondiale et de lutter contre la corruption dans le secteur de l’extraction.
Bien sûr, la norme ITIE ne se met pas en œuvre d’elle-même. Avec les nouvelles exigences vient le défi d’une mise en place plus approfondie, détaillée, avec des rapports de meilleure qualité. Les pays mettant en œuvre l’ITIE peuvent rencontrer des difficultés sur ce point pour diverses raisons, que ce soit un manque de volonté politique, des priorités concurrentes sur la transparence des industries extractives, ou simplement un manque de financement et de capacités. Lorsque le conseil de l’ITIE s’est engagé à une plus grande ambition la semaine dernière, ses membres ont respecté les exigences de la communauté mondiale de la transparence. Maintenant la communauté – les ONG, les bailleurs de fonds, les investisseurs, les organismes multilatéraux et régionaux – doivent reprendre le flambeau, pour aider à assurer que les pays de mise en œuvre aient les moyens et l’appui pour transposer la norme, et toutes ses nouvelles exigences. Bien sûr, PCQVP est prête à offrir son soutien et à favoriser le renforcement des capacités, l’apprentissage par les pairs et l’échange des meilleures pratiques.
Le mois dernier j’ai écrit un article sur la nécessité par l’ITIE de reconnaitre et corriger des angles morts en matière de sexospécificité. Seules des mesures timides ont été prises en ce sens. Certaines sont encourageantes, comme une nouvelle exigence de divulgation des données sur l’emploi ventilées par sexe, un encouragement pour le groupe multipartite de l’ITIE à prendre en compte l’équilibre hommes-femmes dans leur représentation et à appliquer les considérations de genre dans le suivi de l’impact au niveau national.
Mais, malgré ces pas en avant, nous sommes encore très loin d’une norme ITIE équitable, inclusive et sensible aux différences entre les sexes. De même, le chemin est encore long avant de voir les femmes prendre part aux décisions de l’ITIE à tous les niveaux. Nous devons et continuerons à avancer dans la perspective de la conférence de Paris en juin 2019.
Dans d’autres domaines essentiels – en particulier le changement climatique – il n’y a pas eu de progrès. Dans ce contexte, le rôle potentiellement transformateur de l’ITIE comprend les divulgations des risques fiscaux et financiers liés au climat à l’appui d’une transition vers un monde consommant peu de carbone. Par exemple, exiger la divulgation d’incitations fiscales (exemptions fiscales, subventions, etc.) pour l’industrie des combustibles fossiles permettrait d’accroître la transparence et la disponibilité des données pour déterminer si les arrangements fiscaux sont en phase avec les engagements officiels pour une économie à faibles émissions de carbone. Vu le temps qu’il a fallu pour que l’environnement figure dans la norme jusqu’à l’avancée de la semaine dernière, il était inquiétant de constater que la crise climatique était tenue à l’écart de la même façon.
En marge de la réunion, une préoccupation a été exprimée à plusieurs reprises selon laquelle la mise à jour et l’élargissement de la norme placeraient l’ITIE dans une situation où elle risquerait de perdre de vue ses objectifs. À savoir que l’objectif fondateur et principal de la lutte contre la corruption par la promotion de la transparence risquait de se diluer parmi des divulgations de plus en plus vastes. En conséquence, certains estimaient aussi que l’ITIE risquerait de se disperser et de ne pas atteindre des exigences de plus en plus élevées.
Je ne suis pas d’accord. Une norme plus globale est plus judicieuse. Les préoccupations importantes soulevées par les citoyens et les communautés doivent toujours être prioritaires, et les modifications apportées à la norme – sur l’égalité des sexes, l’environnement, la transition énergétique – doivent refléter ce point.
C’est aussi le reflet du défi posé par la corruption. Lorsque la lumière met en évidence une partie du secteur, certaines pratiques de corruption peuvent disparaître – mais d’autres ne feront que se déplacer ailleurs dans la chaîne. De par sa conception, l’ITIE demande un système flexible, dynamique et novateur – en d’autres termes, un système qui s’adapte aussi facilement au changement que le fait la corruption.
La conférence de Paris en juin prochain nous offre une chance de continuer dans cette direction. Dans un pays qui se considère comme le berceau des droits humains et de l’accord mondial sur le changement climatique, nous avons une occasion importante d’atteindre une vision d’ensemble.
Ce sera une réunion opportune pour accueillir la nouvelle présidente de l’ITIE, Helen Clark, dont le parcours à la tête du programme de développement de l’ONU montre l’importance des solutions globales pour améliorer leurs conditions de vie.
PCQVP a pour vision un ordre du jour en matière de transparence qui peut également apporter des réponses aux défis posés par l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD), la protection des droits humains et de l’espace civique, la défense des femmes, et les mesures d’atténuation d’un changement climatique catastrophique.
Il est important de rappeler que notre mission commune s’inscrit dans cet ordre du jour plus large, ancrée dans la puissance extraordinaire de l’industrie extractive pour façonner ce monde que nous partageons. Côte à côte, nous continuons d’avancer.