La semaine dernière, à Dakar, j’ai eu l’immense plaisir de m’adresser à la cinquième Assemblée mondiale de Publiez ce que vous payez (ma deuxième en tant que directrice générale). Cette assemblée représente le plus grand rassemblement de membres du mouvement PCQVP, venus par centaines partager ces quelques jours précieux : l’occasion d’entendre des idées nouvelles, des débats passionnants et des projets stimulants. Un réseau de notre envergure tire une force considérable de ces moments de rencontre en personne.
Cette Assemblée mondiale revêtait une importance particulière, ayant donné lieu à l’adoption d’une nouvelle stratégie sur cinq ans pour le mouvement, qui définit les grandes lignes de notre action pour la période 2020-2025. Vous pouvez consulter mon précédent post pour en savoir davantage sur cette stratégie.
Comme nombre d’entre vous en ont bien conscience, l’élaboration de cette stratégie a impliqué des mois de préparation, de réunions et de consultation avec les militants de la coalition PCQVP. Marquant à la fois l’achèvement de ce processus et l’entame d’un nouveau chapitre, cette Assemblée mondiale a été exceptionnellement exaltante.
Comme me l’a confié un membre après l’assemblée : “C’était la première fois que j’ai pris toute la mesure de la nature véritablement mondiale de notre mouvement.” Une autre m’a dit : “J’ai vu un vrai esprit de collaboration, des rencontres enrichissantes, une immense énergie pour aborder des problématiques difficiles, et un partage constant de bonnes idées”.
Je suis on ne peut plus d’accord. Le sentiment général était celui d’une osmose globale, celui d’être unis, forts et solidaires ensemble. Et de partager le même enthousiasme devant notre engagement en faveur d’objectifs aussi ambitieux, de bon augure pour nos succès futurs.
Cette énergie collective, évidemment, vient aussi des défis globaux que nous sommes déterminés à relever.
Ces défis peuvent parfois sembler insurmontables, une accumulation d’obstacles au monde que nous souhaitons voir advenir. Mais il faut se réjouir de l’attention croissante qu’ils suscitent :
Pas un mois ne passe sans un scandale majeur de corruption lié aux industries extractives. Certaines des enquêtes journalistiques les plus ambitieuses de ces dernières années ont levé le voile sur l’ampleur sidérante des flux financiers illicites qui échappent aux radars dans un secteur où les profits se comptent en milliards de milliards. Miranda Patrucic, du consortium Organized Crime & Corruption Reporting Project (OCCRP), est venue évoquer avec nous certaines de ces révélations, de la “lessiveuse” azerbaidjanaise aux Panama Papers. Nous avons également entendu plusieurs journalistes impliqués dans les Africa Leaks.
Nombre de nos membres représentent des populations dont les moyens de subsistances ont subi de plein fouet l’impact environnemental de l’extraction minière, gazière ou pétrolière. Les discours écologiques de façade ne suffisent plus à berner les citoyens, qui ne se font plus d’illusions quant aux dommages à notre planète que peuvent causer ces industries.
De même, le besoin d’une transition énergétique mondiale vers une économie décarbonée n’a jamais été ressenti avec autant d’urgence – de nombreux collègues en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud-Est ou en Amérique Latine sont les premiers à faire les frais du changement climatique. Et si nous n’agissons pas aujourd’hui, nous ne pourrons que constater l’ampleur des dégâts. Notre assemblée a donné lieu à des débats passionnants sur la manière dont notre mouvement peut soutenir une transition éclairée, juste et équitable.
Trop souvent, la voix des femmes n’est pas entendue. Trop souvent, elle est reléguée au second plan dans les plateformes de prise de décisions, à tous les niveaux. Or, quand les industries extractives bouleversent les populations et l’environnement, les femmes sont les premières à en subir les effets. Bien trop souvent, le caractère genré de ces impacts n’a aucune traduction visible dans l’action publique.
À Dakar, d’une seule et même voix, nous avons dit : cela doit changer.
Une coalition comme la nôtre dispose d’une position unique qui permet de donner aux décideurs de ce monde une perspective de terrain en temps réel, et de leur faire remonter le ressenti des populations les plus affectées par les industries extractives.
Forte de cette réflexion, l’Assemblée mondiale a résolu de promouvoir l’égalité des sexes et la participation des femmes à toutes les étapes de notre action. Par exemple, nous allons désormais appeler à la divulgation de données ventilées en fonction du genre. Il est essentiel que les expériences spécifiques que vivent les femmes soient mises en évidence dans les données mises à notre disposition.
Plusieurs de nos membres, ainsi que de nombreux autres militants dans le monde, ont payé le prix fort pour avoir pacifiquement exprimé leur opinion ou défié les puissants. Nous avons pris l’engagement de défendre les libertés fondamentales des citoyens : dire ce que l’on pense et s’assembler avec qui bon nous semble. Nous défendrons et protégerons nos membres en lançant des initiatives de solidarité mondiale et de plaidoyer chaque fois que ce sera nécessaire.
L’ITIE demeure évidemment un forum essentiel pour nos activités et nos actions de plaidoyer. Lors de notre Assemblée mondiale, nous avons exhorté l’ITIE à adopter :
- l’obligation de publier les contrats et les licences ;
- des mesures d’incitation aux entreprises à divulguer leurs dépenses environnementales en plus de l’obligation de divulguer les dépenses sociales
- l’obligation de divulguer les informations relatives au commerce des matières premières au cas par cas
Nous serons en première ligne de ces revendications d’ici à la réunion du conseil d’administration de l’ITIE qui se tiendra en Ukraine à la fin du mois.
Pour porter ce programme ambitieux, nous disposons d’un nouveau Conseil mondial, avec des représentants issus du Brésil, du Cameroun, des États-Unis d’Irak, du Kirghizstan, du Niger, des Philippines, du Royaume-Uni et de Zambie. Le conseil sera présidé par Chenai C. Mukumba, dont l’action de terrain en Zambie est une source d’inspiration pour chacun d’entre nous.
À l’issue d’une de nos sessions, un de nos membres a eu cette réflexion forte : “Ce que tu ne connais pas est plus grand que toi”.
Alors que nous nous dressons face à la culture du secret qui entoure un secteur puissant, cette phrase décrit bien les défis qui nous attendent. Mais si ces défis sont plus grands que chacun d’entre nous pris à part, ils ne sont certainement pas plus grands que notre mouvement.
Portés par ce formidable rassemblement, forts d’une énergie nouvelle, d’une nouvelle stratégie et d’un nouveau Conseil mondial pour piloter notre action, nous sommes plus déterminés que jamais.